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ont succédé, ni qu’elles aient fourni moins d’hommes éminens. Quiconque a fait partie d’un jury sait quelles chances comportent les examens et que, jeune, on y réussit souvent par certaines qualités qui se tournent plus tard en défauts, la promptitude de la mémoire, la facilité de la parole et de la plume, la confiance en soi, l’adresse à ne choquer aucune opinion reçue. Le concours est pourtant devenu, dans notre société encombrée, le mode de sélection qui paraît aux concurrens les protéger le mieux contre l’injustice et contre la faveur. On ne pouvait donc se dispenser de l’établir, entouré de toutes les garanties possibles, à l’entrée de l’Ecole, maintenant que, rassurée sur son avenir et bien vue du pouvoir, elle allait attirer un nombre toujours croissant de candidats. Les conditions en furent réglées par l’arrêté du 17 juin 1831. Dans l’ensemble, elles sont demeurées, depuis ce moment, toujours les mêmes ; on s’est contenté, à diverses reprises, de les simplifier et de modifier les dates des deux séries d’épreuves.

La monarchie de Juillet ne se contenta pas de donner à l’Ecole une assiette plus solide en y instituant le concours et de nouvelles conférences ; elle songea de bonne heure à la mettre enfin dans ses meubles, à en établir les services dans un édifice qui lui appartînt en propre et sur lequel fût inscrit son nom. Les bâtimens du Plessis menaçaient ruine. Il était d’ailleurs impossible d’y installer les salles de collection et les laboratoires dont l’enseignement scientifique ne pouvait plus rester privé ; celui-ci avait des exigences jusqu’alors inconnues, depuis que l’arrêté du 2 octobre 1840 avait partagé l’agrégation des sciences en deux, les mathématiques d’une part, et, de l’autre, les sciences physiques et naturelles. On fut unanime à reconnaître l’utilité de l’entreprise et son caractère d’urgence. Dès 1838, on fit choix des terrains de la rue d’Ulm ; on commença de dresser les plans ; la loi qui engageait la dépense et donnait les moyens d’y pourvoir fut votée et promulguée au printemps de 1841. Les travaux durèrent longtemps ; l’Ecole ne prit possession de son nouveau domicile qu’à la rentrée de 1847. Dans la séance solennelle d’inauguration que présidait le ministre Salvandy, le directeur de l’Ecole, Dubois, présenta un tableau sommaire du passé de l’Ecole, de sa vie et de son œuvre ; il avait, en 1840, remplacé dans cette haute charge Cousin, appelé au ministère.

Parmi ceux qui écoutaient le directeur et le ministre échanger, dans cette cérémonie, leurs congratulations et leurs espérances, y avait-il quelqu’un qui prévît, même vaguement, les crises que la société française allait traverser, crises où succomberaient les