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d’Italie et l’amnistie, entre l’Empire et certains des élémens de l’ancien parti libéral. Ce fut cet élan des cœurs et cette entente momentanée qui, le 23 juin 1863, purent faire d’un homme tel que M. Duruy, fidèle enfant de la vieille Ecole et tout pénétré de son esprit, le chef de l’Université. Quelques jours après sa nomination, M. Duruy rétablissait l’agrégation de philosophie. Les autres agrégations spéciales avaient déjà été restaurées par M. Rouland. Dès lors, les cadres de l’Ecole et, par suite, tout l’ordre de ses études étaient redevenus ce qu’ils étaient avant 1852.

Quand, en 1867, M. Francisque Bouillier remplaça M. Nisard, l’École était même, à certains égards, en progrès et mieux outillée qu’avant ses malheurs. L’enseignement scientifique s’y était développé. Cinq places d’agrégés-préparateurs y avaient été créées, en 1858, auprès de la section des sciences, et les jeunes gens qui s’y étaient succédé avaient pu s’initier aux méthodes de recherche et d’invention sous des maîtres tels que Henri Sainte-Claire Deville et Pasteur. Largement doté par l’affectueuse bienveillance que l’empereur lui témoignait, Sainte-Claire Deville avait appris le chemin de l’Ecole aux chimistes français et étrangers, qui se donnaient, le dimanche, rendez-vous dans son laboratoire. Les premières découvertes de M. Pasteur n’avaient pas fait moins d’honneur à notre maison, et plusieurs de nos élèves, qu’il avait associés à ses travaux, avaient appris de lui l’art difficile de l’expérimentation méthodique, de celle qui, lorsqu’elle croit l’heure venue d’annoncer ses résultats, ne laisse point place à la contradiction ni même au doute. Dans les lettres aussi, on sentait souffler un esprit nouveau. Avec la liberté rendue, l’enseignement s’était relevé, dans l’intérieur de l’Ecole. L’École des Hautes-Études, par les conférences de sa section d’histoire et de philologie, avait exercé une heureuse influence sur son aînée et illustre voisine. Nos maîtres et nos élèves avaient mieux compris la vertu de la science exacte et précise ; ils avaient commencé de s’intéresser à maintes enquêtes et doctrines auxquelles l’Ecole était, jusqu’alors, restée trop étrangère.

Loin d’arrêter ce mouvement, nos désastres de 1870 ne firent que l’accélérer et le rendre plus général. Bien que dispensés du service militaire, nos élèves avaient presque tous, de manière ou l’autre, pris part à la guerre. La paix signée, nulle part mieux que chez nous on ne comprit quels devoirs s’imposaient à quiconque détenait une part de l’autorité, de l’autorité politique ou de l’autorité morale, comment on avait à refaire non seulement les finances et l’armée, mais aussi l’âme même de la nation. Pour payer sa dette, on commença par beaucoup travailler à l’Ecole.