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crédit, n’étant qu’une prévision, ne devait être employé que dans la proportion des besoins constatés. Or, ici, les besoins fixés d’après les prescriptions de la loi étaient restés inférieurs à la somme allouée, et les ayans droit, ayant reçu tout ce qui leur était dû, n’avaient rien à prétendre en plus. D’ailleurs, comment déterminer les créances qui n’avaient pas été suffisamment évaluées ? Toutes bases et tous moyens manquaient à cet égard. Le législateur de 1830 pouvait donc, sans scrupule, disposer à son gré de la portion non employée du crédit accordé par le législateur de 1825, et le rapporteur concluait à l’adoption du projet de loi en exprimant la confiance que le gouvernement, sous sa responsabilité, userait, au mieux des intérêts et de l’honneur du pays, des ressources mises ainsi à sa disposition.

Dans le sein de la Chambre, M. Berryer rappela que celle de 1825 avait successivement repoussé deux amendemens, l’un portant que l’excédent disponible, une fois la liquidation terminée, ferait retour à l’Etat, l’autre d’après lequel il serait disposé de cet excédent par une loi ultérieure. L’intention de la loi de 1825 était donc formelle et le droit des indemnitaires était incontestable. Sur la foi de l’engagement pris à leur égard, des transactions et des contrats avaient eu lieu, et s’il était méconnu, des intérêts respectables pouvaient être gravement lésés. Mais M. Laffitte répondit que la valeur des biens confisqués avait été arbitrée dans le principe à 988 millions, et qu’en fixant à 1 milliard le chiffre de l’indemnité, c’était la différence de 12 millions que le législateur avait entendu affecter comme fonds commun à réparer les inégalités de la répartition. Comment supposer, en effet, qu’une fois les droits des indemnitaires rigoureusement constatés, il eût voulu leur faire cadeau de 100 millions, et, comment justifier aux yeux du pays une pareille libéralité ? De plus, l’article 19 de la loi de 1825 ayant prononcé la déchéance contre tous ayans droit qui n’auraient pas fait leur demande dans un temps déterminé, pourrait-on admettre que si la moitié ou le quart d’entre eux n’eût pas réclamé, les autres, profitant de cette négligence, eussent pu prétendre à la portion non revendiquée ? C’était pourtant à cette conséquence que conduisait le système soutenu par le préopinant. Le ministre rappela, en outre, qu’il avait été procédé à la liquidation de la façon la plus équitable et la plus libérale, que les erreurs, s’il y en avait eu, étaient aussi rares qu’insignifiantes, et à son appui vint un des hommes les plus considérés de la droite, un de ceux dont la famille pendant la Révolution avait compté le plus de victimes, le comte Alexis de Noailles. Ce membre déclara que lui et plusieurs de ses amis