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consenti à introduire dans le projet de loi un article additionnel portant qu’il lui serait loisible de recourir, pour tout ou partie des 200 millions, à un emprunt en rentes perpétuelles au cas où l’aliénation des bois, aussi bien que l’émission des obligations, ne pourrait s’effectuer qu’à des conditions plus défavorables.

Dans la discussion générale qui s’ouvrit le 9 mars, le projet fut vivement attaqué aux divers points de vue forestier, financier et politique, par MM. Estancelin, de Mosbourg et Berryer. Suivant M. Estancelin, l’aliénation des bois serait une mesure déplorable ; ces bois produisaient largement 3 pour 100, tous frais d’administration déduits, et il était à craindre que, au lieu de tomber entre les mains d’acquéreurs sérieux qui les géreraient en bons pères de famille, ils ne devinssent la proie de spéculateurs qui, profitant des embarras du Trésor et de l’absence de confiance pour les acheter à vil prix, n’hésiteraient pas à les saccager s’ils y trouvaient le moindre avantage. M. de Mosbourg, financier des plus éclairés, tout en déclarant qu’il voterait le projet tel qu’il avait été présenté, aurait préféré cependant que dès le principe on eût eu franchement recours à une émission de rentes au rachat desquelles eût été également affecté le prix des forêts qui, aliénées dans ce cas par faibles lots et suivant que les besoins le réclameraient, l’auraient été dans de bien meilleures conditions. Il ne fallait pas se dissimuler que les hésitations du gouvernement n’avaient pas peu contribué à la baisse de la rente, tombée en quelques semaines de 93 à 88 ; en effet, lorsque le public avait vu le gouvernement se défier de lui-même, il s’était mis aussi en défiance.

Quant à M. Berryer, attaquant la marche du gouvernement qui s’était montré impuissant aussi bien au dedans qu’au dehors, il ne pouvait admettre que la Chambre consentît à recourir à un expédient aussi funeste que celui d’aliéner une partie de la fortune immobilière de l’État pour solder les besoins du jour. Une fois la porte ouverte, qui pourrait dire quand elle serait fermée ?

La majeure partie des 200 millions demandés devant être employée aux arméniens et approvisionnemens militaires, le général de Caux, l’excellent ministre de la guerre du cabinet Martignac, crut devoir donner un état de ce qui se trouvait dans les magasins et arsenaux quand il était sorti du ministère en 1829 et justifier l’administration dont il avait été le chef. Le maréchal Soult s’empressa de rendre pleine justice à son prédécesseur. Tous les états donnés par ce dernier, dit-il, étaient exacts et les approvisionnemens en magasin en 1829 suffisaient parfaitement alors. Mais la situation n’était plus la même. L’armée avait dû être augmentée, la garde nationale avait été créée et par suite des