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juste en effet, de « roman de la femme nouvelle ». Dans la littérature et dans la réalité, l’Angleterre possède dès maintenant un nouveau type de femme, et dont on peut dire, pour commencer, qu’il est en tout cas infiniment plus bruyant, plus remuant, plus encombrant que l’ancien.

« Il n’y a pas un des domaines jusqu’ici réservés à l’homme, que la femme ne menace, à présent, de s’approprier. Une à une les vieilles citadelles de la suprématie de l’homme sont attaquées et prises d’assaut. Diplômes de nos universités, doctorats de médecine et de philosophie, emplois d’éditeurs, d’inspecteurs, de maîtres d’usines, de romanciers, de brocanteurs, de dramaturges, de poètes, d’essayistes, la femme a envahi tout cela, et ce n’est encore qu’une faible partie de ce qu’elle entend conquérir. L’asile poudreux de la loi, lui-même, ne lui a point échappé : et pour être encore un phénomène assez rare, la femme-solicitor dorénavant existe. Au cours dont les choses vont, nous pouvons affirmer qu’il n’y aura pas dans vingt ans un seul métier où la femme ne fasse concurrence à l’homme, et même ne réussisse à le dépasser. Phénomène singulier, que rend plus singulier encore sa soudaineté : car c’est durant les vingt dernières années que nous avons vu tous ces changemens s’accomplir. Nous allons voir maintenant la femme-électeur et, comme conséquence inévitable, la femme-député, en attendant qu’il prenne fantaisie à nos sœurs et à nos filles de pénétrer dans la magistrature et dans le haut clergé. »

Ainsi parle un sage, M. Harry Quilter, dans un très remarquable article de la Fortnightly Review. Et tous ses confrères autour de lui font la même constatation, les uns avec une nuance d’aigreur ou de mélancolie, d’autres avec une résignation souriante, et quelques-uns sur le ton d’un enthousiasme lyrique. Tel un pasteur, le révérend Harry Jones qui, dans le Sunday at Home, réclame pour les femmes, au nom de l’Évangile, le droit de voter et l’égalité civile. « Notre-Seigneur en effet n’a-t-il pas dit que quiconque accomplissait la volonté divine était par là même Son frère, et Sa sœur, et Sa mère ? L’homme, la femme, la jeune fille sont donc non seulement placés sur le même rang, mais élevés en commun à l’honneur suprême d’une intime parenté avec le Fils de l’Homme. Ainsi il n’y a point de distinction de sexe dans le royaume des cieux. Aux yeux du Christ, la femme doit prendre la place qui lui est due, et obéir en commun avec l’homme aux grands devoirs de la vie. »

Le devoir de voter et de siéger dans les parlemens aurait-il été, « aux yeux de Jésus-Christ », aussi grand et aussi essentiel qu’il parait l’être aux yeux du révérend Harry Jones ? La question, au surplus, est