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qui subit une modification. Quel sens attribue-t-on à ces mots : quantité de chaleur ?

Pour les cartésiens, la quantité de chaleur qu’un corps dégage en se modifiant, c’est la diminution de la quantité du mouvement qui anime les petites parties de ce corps.

Pour ceux qui, tout en gardant ce qu’il y a d’essentiel dans l’idée de Descartes, la corrigent en tenant compte des découvertes de Leibniz, la quantité de chaleur dégagée par un corps c’est la perte de force vive moléculaire qui accompagne la modification subie par ce corps.

Pour les tenans de la matérialité du calorique, la quantité de chaleur dégagée par un corps c’est la diminution de la masse du calorique qu’il renferme, soit à l’état libre, soit à l’état latent.

Pour les physiciens qui cherchent à concilier la découverte de Black avec l’idée que la chaleur est un mouvement, en appelant à leur aide les actions moléculaires, la quantité de chaleur dégagée par un corps c’est, en partie, la diminution de force vive du mouvement des diverses parties du corps, en partie, le travail effectué par les actions moléculaires.

Pour les partisans de la théorie mécanique de la chaleur, la quantité de chaleur dégagée se compose, en partie, de la diminution de force vive du mouvement moléculaire, en partie du travail effectué par toutes les forces, tant externes qu’internes, qui s’exercent sur le corps.

Bien diverses sont les pensées de tous ces physiciens ; toutes, cependant, se ressemblent en un point : pour tous ces physiciens, la quantité de chaleur est une abstraction dont la définition résulte du système théorique qu’ils adoptent ; c’est sur cette abstraction qu’ils raisonnent, c’est en vertu de sa définition qu’ils l’introduisent dans leurs déductions et dans leurs calculs. Sans doute, dans chaque application, ils substituent à cette abstraction un nombre concret, fourni par les indications d’un calorimètre ; mais c’est en analysant la notion abstraite de quantité de chaleur qu’ils justifient l’emploi du calorimètre, qu’ils fixent les règles suivant lesquelles les indications de cet instrument devront être combinées, corrigées, interprétées, pour fournir une évaluation approchée de la quantité de chaleur.

Aujourd’hui, c’est par un procédé inverse que les physiciens introduisent dans leurs théories la quantité de chaleur ; la quantité de chaleur n’est plus pour eux une notion abstraite définie par la théorie, approximativement mesurée, dans chaque cas particulier, par un calorimètre dont la même théorie explique et justifie l’emploi ; ce qu’ils introduisent dans leurs raisonnemens et dans leurs formules sous le nom de quantité de chaleur ce n’est pas