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doit se borner à des mesures dont l’exécution soit peu dispendieuse et n’exige l’emploi d’aucune force extraordinaire. Mon prédécesseur avait été autorisé par Votre Majesté à détacher momentanément de la station navale du Brésil un bâtiment dont la présence à Madagascar serait jugée nécessaire. Je me propose, si Votre Majesté l’approuve de nouveau, de charger M. le contre-amiral Roussin de diriger immédiatement sur l’île Bourbon une des frégates de sa division et d’investir le capitaine de ce bâtiment du commandement de l’expédition qui pourra être envoyée de Bourbon à Madagascar, conformément au plan qui sera arrêté en conseil privé à Bourbon et d’après les instructions que je donnerai à cet effet. L’esprit de ces instructions sera tout à fait pacifique. C’est par la voie des négociations qu’il faut cherchera recouvrer nos anciennes possessions. Nous ne voulons pas conquérir l’île de Madagascar, ni même y coloniser les points dont la propriété nous serait rendue. Notre but est d’établir avec les naturels, sur des bases solides, des relations amicales et de commerce, et de préparer à Tintingue la formation d’un établissement maritime qui, en cas de guerre, serait d’un grand prix pour la France, dépourvue aujourd’hui dans ces mers d’un abri pour ses vaisseaux. Toutefois, afin de seconder cette expédition et pour lui donner au besoin l’appareil de la force, j’avancerai le départ des 156 hommes d’artillerie de la marine qui sont destinés à relever au 1er janvier 1830 les détachemens d’artillerie de terre actuellement employés à Bourbon et à Sainte-Marie. D’un autre côté, 200 hommes du 16e léger, destinés à remplacer les soldats de ce corps dont le temps de service est expiré, partent dans les premiers jours de février pour l’île Bourbon, où ils augmenteront les forces disponibles[1].


En conséquence de ces résolu lions, le directeur des colonies, M. Filleau de Saint-Hilaire, écrivait le 23 janvier 1827 à l’amiral Roussin, qui croisait alors sur les côtes du Brésil et de la Guyane, une lettre privée pour l’avertir des ordres officiels qu’il allait bientôt recevoir :


Le ministre, disait-il, après avoir rendu compte au Roi de l’état des choses à Madagascar, vous charge d’envoyer à Bourbon une frégate à l’effet de ressaisir, s’il est possible, l’influence que nous exercions autrefois sur les chefs de cette île, et de rentrer en possession de nos anciens établissemens. La lettre qui vous sera écrite à ce sujet vous expliquera l’objet de cette mission. Je me borne à vous prier de ne la confier qu’à un homme éclairé, qui puisse juger sainement ce que peut nous valoir la possession de Tintingue, car c’est là le seul intérêt que le département de la marine puisse avoir à la possession de la baie d’Antongil… Il est bien nécessaire que le commandant de la frégate qui sera le chef de l’expédition soit instruit par vous, mon cher général, de l’esprit qui nous anime sur ce point afin que les négociations soient dirigées en conséquence. Il sera écrit dans le même sens au gouvernement de Bourbon qui devra communiquer la lettre à son conseil privé, afin qu’on ne s’y méprenne pas sur les intentions du ministère et surtout qu’on n’aille pas guerroyer comme le voulait ce conseil, sans tenir compte de la difficulté de nous maintenir sur les points que nous aurions conquis, et de beaucoup d’autres difficultés qu’il était cependant facile de prévoir. Je ne mets pas au nombre de celles-ci toutefois la collision avec les

  1. Archives de la Marine. Madagascar. Rapport au roi du 28 janvier 1829.