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plus exacte que l’ancienne, tirée d’éléments fournis par leurs propres archives, qui se trouve concorder absolument avec celles des sociétés anglaises et américaines. La substitution aurait eu pour effet d’abaisser les tarifs, de rendre l’assurance moins coûteuse, si le taux de capitalisation des « réserves » était resté le même.

Il est ici nécessaire de bien connaître le procédé suivi pour l’établissement des primes, ce que l’on pourrait appeler le « secret de fabrication » s’il s’agissait d’une industrie moins publique. Les tables de mortalité ont révélé aux compagnies les chances que l’homme, à chaque âge, avait de vivre ou de mourir. Elles leur apprennent, par exemple, que l’individu de 30 ans a 9 920 raisons contre 80 de se flatter d’atteindre sans encombre sa trente et unième année. Par conséquent, s’il désire contracter une assurance, en cas de décès, de 10 000 francs, il faudra lui demander 80 francs, — 0 fr. 80 pour 100 francs. Telle serait la « prime pure », le prix de revient du risque, celui par lequel l’assureur est mathématiquement couvert, sans gain ni perte. Il va de soi qu’une pareille certitude de ne rien perdre ni gagner n’est strictement vraie qu’à la condition d’assurer un très grand nombre de sujets âgés de 30 ans et de les assurer tous pour une somme uniforme ; puisqu’une compagnie qui garantit à 90 cliens un capital de 1 000 francs et à dix autres du même âge un capital de 100 000 francs, est exposée à payer beaucoup plus qu’elle n’a perçu ou à percevoir beaucoup plus qu’elle ne paiera, suivant que les 8 pour 1 000 de sinistres porteront sur les 10 grosses polices ou sur les 90 petites. C’est ce qui arrive annuellement à toutes les compagnies, parce qu’elles ont toutes des assurés de 3 000 francs et des assurés de 300 000, parce qu’aussi le nombre des polices est extrêmement variable suivant les âges et que les chiffres des tables de mortalité ne sont vrais qu’en moyenne. Un particulier qui se ferait pour un an l’assureur d’une trentaine d’amis, en se fondant sur les meilleures statistiques de survie, se livrerait à une spéculation aussi hasardeuse que s’il confiait son argent à la roulette de Monaco.

A la Générale, qui possède à peu près 50 000 contrats en cours, sur des têtes échelonnées depuis. 95 ans jusqu’à moins de 20 ans, il n’y a presque pas un âge où le nombre des décès concorde absolument avec la proportion indiquée par les tables. Dans la période où les assurés sont le plus nombreux, de 39 à 49 ans, la mortalité réelle est constamment inférieure ou supérieure à la mortalité présumée. L’année dernière, sur 1 705 personnes de 46 ans, il devait en mourir 22 : il en est mort 24. En revanche, sur 1 582 individus de 49 ans, 24 auraient dû disparaître dans les