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conservés aux Uffizj de Florence, plusieurs portent cette mention : per il cardinal di Farnese ; destinés au palais du cardinal, ils n’en furent pas moins utilisés quand fut exécuté celui du pape. L’opération capitale, celle qui eut pour effet de substituer à la bâtisse du XVe siècle un édifice classique, tout ensemble noble et somptueux, selon l’expression de Léon X, fut donc décidée de prime abord. C’était l’âge d’or de la Renaissance ; San Gallo, qui comprenait que son avenir était en jeu, mit tout en œuvre pour présenter au cardinal Farnèse un projet véritablement artistique. L’exaltation de ce dernier engagea sans doute l’artiste florentin à donner une importance plus grande au bâtiment et plus de splendeur à la décoration des appartemens : il n’en reste pas moins établi que les grandes lignes architecturales étaient depuis longtemps déjà définitivement arrêtées.

Les lenteurs de l’exécution seraient incompréhensibles s’il ne s’était pas agi, dès l’abord, d’un monument grandiose. « Dès que le projet fut adopté, l’ouvrage, dit Vasari, fut commencé et chaque année en vit exécuter une partie. » Il faut entendre certainement par là que l’architecte ne procéda que successivement, manière d’opérer qui permit au cardinal de demeurer dans son palais en dépit des ouvriers et d’y tenir sa cour. Si les travaux traînèrent en longueur, il put en prendre plus facilement son parti. Reste à expliquer, toutefois, comment l’édifice que Léon X visitait avec plaisir en 1519, était encore assez peu avancé en 1534, pour que San Gallo pût entreprendre d’en modifier l’ordonnance. Ces lenteurs, dont l’importance des travaux ne parviennent pas à donner suffisamment la clé, s’expliquent par des raisons de diverse nature.

C’est en premier lieu la multiplicité des travaux confiés à Antonio. Collaborateur de Raphaël dès l’année 1516, il était devenu, à la mort du grand artiste, architecte en chef de Saint-Pierre. Cet honneur ne laissait pas d’imposer à celui qui en était revêtu une grave responsabilité et un labeur incessant. En lui conférant cette haute charge, les souverains pontifes n’entendaient pas, d’ailleurs, renoncer aux services qu’il était en état de rendre comme ingénieur militaire. Léon X et Clément VII le chargèrent tour à tour d’élever les fortifications de Civita-Vecchia, de Parme et d’Orvieto. De là des déplacemens prolongés qui contraignirent l’artiste florentin à n’accorder au palais Farnèse qu’une attention intermittente. Il s’en fallait beaucoup, d’autre part, que le cardinal disposât alors des ressources presque inépuisables que le trésor pontifical devait mettre un peu plus tard entre les mains du pape Paul. Farnèse était fort riche, à la vérité, mais il avait à subvenir à des dépenses multiples, inhérentes au rang qu’il