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c’est l’indice que leurs vœux vont être exaucés, et que bientôt elles donneront à leur époux ce fils dont le brahmanisme l’ait l’ouvrier par excellence du salut paternel.

Dans la plupart des poèmes hindous le serpent joue un rôle. Dans le Ramayana, on voit Latchoumana, le valeureux guerrier, demeurer insensible, le corps percé de flèches empoisonnées avec le venin du cobra-capello. Harischaudra (le Lion lunaire), le rajah vertueux aux aventures émouvantes, considère que ses malheurs sont à leur comble quand son fils meurt de la morsure d’un serpent. Que de superstitions et de proverbes, qui en sont l’écho, entourent le serpent ! Les éclipses sont causées parmi reptile immense qui avale la lune ou le soleil et les fait disparaître aux yeux des humains. La vue d’un serpent suffit à mettre en déroute une armée entière. Il est impossible de tuer un serpent lorsqu’il a été vu à la fois de dix personnes. Et quand l’Européen, qui partage la terreur de l’Hindou, mais non son culte, pour le cobra-capello, parvient à en mettre un à mort, il se trouve des fidèles pour célébrer, en l’honneur de la victime, les rites funéraires. T. Ramakrichna assure que les brunes bayadères ne sont réputées réellement expertes en leur art charmant qu’après avoir dansé devant fa pagode, un serpent enroulé autour de leur cou flexible.

On voit partout des charmeurs de serpens. Ce sont de grands gaillards qui ne craignent pas d’escalader le pont des bateaux de la Compagnie des Messageries maritimes dans l’espoir d’y faire de bonnes recettes. Leur industrie périlleuse est des plus lucratives, même dans l’intérieur. A Mangalam, il s’en présente souvent un qui porte un large turban, et dont le bras nu est serré dans un anneau de cuivre plat. Ce morceau de cuivre magique exerce une influence considérable sur les reptiles et les contraint à obéir au charmeur. Celui-ci tient à la main un pipeau qui s emmanche dans une petite calebasse et rend un son nasillard ; c’est le magadi, dont le serpent parait écouter la musique monotone avec plaisir ; dans l’autre main il a un petit panier où sont, enroulées les dangereuses bêtes.

Arrivé devant la maison de Mouttousamy, le charmeur souffle dans son instrument, qui s’entend de loin, et la foule afflue aussitôt, avide d’un spectacle cent fois vu, mais dont l’attrait a quelque chose de magnétique et de mystérieux, semble-t-il. Le charmeur fait un petit discours aux nobles et braves gens de Mangalam. Il a dans son panier quatre grands cobras-capellos, dont l’un est un terrible serpent noir, de tous le plus à craindre. Quand il joue avec eux, ces reptiles cherchent à le mordre ; s’ils y parvenaient, c’en serait fait de lui : le poison mortel se répandrait rapidement