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d’aboutir à des carrières profitables. Les sciences proprement dites, étant à peu près de nul rapport, n’attiraient personne : aussi les élèves ne tardèrent-ils pas à lui faire défaut. De là des discussions avec le Sénat académique de Marbourg, la prospérité de l’Université et l’éventuel des professeurs étant subordonnés au nombre des élèves. La jalousie excitée par l’introduction de ce nouveau-venu dans le corps académique vint sans doute s’y joindre. Cependant il ne faudrait rien exagérer à cet égard; car les Universités allemandes ont toujours été accoutumées à l’appel de savans étrangers à la localité. Le landgrave était sympathique aux chercheurs et aux esprits distingués et se glorifiait du titre d’ « artisan couronné ». Tous ces petits princes allemands rivalisaient entre eux de culture et de goût pour les arts et les sciences, imitant en cela le grand modèle de Louis XIV, et suivant une tradition qui remontait au XVIe siècle et à la Renaissance. C’est ainsi que Charles de Hesse finit par appeler Papin à résider à Cassel, sa capitale (1695), avec le titre et les honoraires de son conseiller et de son médecin, payés par sa cassette. Il lui maintint en outre son traitement de professeur à Marbourg, malgré l’opposition du Sénat académique, qui se plaignait de ne trouver personne pour faire la suppléance, à cause de l’insuffisance de l’éventuel. Papin, en abandonnant ses fonctions de professeur, devenait ainsi complètement dépendant de la faveur personnelle du prince : situation toujours délicate et qui devait se dérober un jour devant lui.

En 1690, Papin se maria avec sa cousine, devenue veuve deux ans auparavant, et qui avait avec elle sa mère et sa fille. Il prit ainsi de nouvelles charges de famille. On ignore s’il eut des enfans : cet homme, tout occupé de ses idées, ne parle jamais des personnes qui le touchent.

L’année précédente, l’Académie des sciences de Paris avait sanctionné le choix de Papin comme correspondant désigné par l’abbé Galois : les correspondans d’alors étaient attachés à l’individualité des académiciens et n’avaient pas, comme aujourd’hui, un titre impersonnel; mais il fallait l’approbation du corps. On voit que Papin était parvenue une situation considérable dans le monde scientifique de l’époque. Il la conserva pendant vingt ans, publiant sans cesse de nouveaux projets et de nouvelles propositions pour créer la force motrice, projets fondés sur l’emploi du vide et le ressort de la vapeur.

En 1688, c’est une machine à faire le vide, au moyen de la poudre à canon; en 1690, une autre où le vide est produit par la condensation de la vapeur d’eau : c’est déjà la machine à vapeur, et il en indique les applications à l’épuisement des mines, à l’élévation