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contre l’excès de son action. Aussi sa découverte ne repose-t-elle pas sur un simple énoncé, ou sur l’indication sommaire d’un principe. Mais il a décrit en détail sa méthode et sa machine, dans l’ouvrage qui a pour titre : Nova methodus ad vires motrices validissimas levi pretio comparandas (Acta eruditorum, Lipsiæ, septembre 1690).

Il l’a réimprimé on 1695, en français, à Cassel, dans son Recueil de diverses pièces, sous le titre suivant : Nouvelle manière de produire à peu de frais des forces mouvantes extrêmement grandes. Papin y indique en ces termes le principe de sa machine : « Comme l’eau a la propriété, étant par le feu changée en vapeurs, de faire ressort comme l’air et ensuite de se recondenser si bien par le froid, qu’il ne lui reste plus aucune apparence de cette force de ressort, j’ai cru qu’il ne serait pas difficile de faire des machines dans lesquelles, par le moyen d’une chaleur médiocre et à peu de frais, l’eau ferait le vide parfait. » — « On voit, dit-il encore, combien cette machine qui est si simple pourrait former de prodigieuses forces et à bon marché. Car on sait qu’une colonne d’air qui s’appuie sur un tuyau d’un pied de diamètre pèse presque 2 000 livres. » Et aussitôt, apercevant avec quelle promptitude une idée scientifique se change en applications industrielles : « Cette invention se pourrait appliquer à tirer l’eau des mines, jeter des bombes, ramer contre le vent. Cette force serait préférable à celle des galériens pour aller vite en mer. »

La machine à vapeur était une chose trop compliquée pour être instituée ainsi subitement, de toutes pièces et par un même homme. Voici, à mon avis, et d’accord avec Arago, ce que l’on est autorisé à regarder comme l’œuvre personnelle de Papin.

En 1690, Papin a conçu la possibilité de faire une machine à vapeur et à piston ; il a décrit un appareil remplissant ces conditions, où il combinait la force élastique de la vapeur d’eau avec la propriété de cette vapeur de se condenser par le froid, en laissant vide l’espace qu’elle occupait. De là résulte une double force motrice, l’une attribuable à la force élastique de la vapeur, l’autre à la pression atmosphérique : la machine de Papin les utilisait toutes deux. Elle avait double effet, avec deux corps de pompe. Elle était disposée de façon à transformer un mouvement rectiligne en un mouvement de rotation continu, suivant des artifices connus depuis plusieurs siècles, et qui ont été encore perfectionnés depuis. La soupape de sûreté est due aussi à Papin.

Tels sont les titres essentiels de Papin. Leur publication et leur description sont antérieures de plusieurs années aux brevets anglais pris par Savery en 1698, puis par Newcomen, Cawley et