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Les récens succès militaires du Japon ont étonné ceux mêmes qui croyaient le mieux le connaître. On s’est demandé s’il ne ménageait pas à l’Europe des surprises nouvelles. Les Japonais ont prouvé qu’ils avaient su tout au moins réformer leur méthode de guerre et réorganiser leur armée. Mais l’histoire témoigne suffisamment de leurs vertus guerrières pour qu’on puisse imputer ces rapides progrès dans la science militaire à des aptitudes spéciales. Ont-ils également bien profité de toutes les leçons qui leur ont été données ? Qu’ont-ils exactement emprunté à l’Europe et que lui emprunteront-ils encore? Voilà ce qu’il serait curieux de savoir.

Parmi les épisodes de l’histoire encore si peu connue du Japon, il en est un qui peut jeter quelque lumière sur ces questions.

Les Japonais des VIe et VIIe siècles de l’ère chrétienne voulurent s’assimiler la civilisation chinoise. Ils apportèrent à cette entreprise la fougue, la ténacité et l’unanimité qu’on peut constater chez leurs descendans. Ce fut une révolution complète et dont l’histoire n’offre guère d’exemples. Sans transition, et sans arrière-pensée, ils rejetèrent alors ce qui constituait leur individualité nationale, et les différenciait du peuple qu’ils prenaient pour modèle. Ils dépouillèrent en bloc leurs coutumes, leurs traditions, leurs croyances propres, comme on fait un vêtement démodé, pour y substituer des coutumes, des traditions et des croyances étrangères qu’ils jugeaient préférables. Ils se firent Chinois, comme ceux d’aujourd’hui veulent se faire Occidentaux.

Il nous a paru curieux de rapprocher les faits passés des événemens présens, de rechercher le profit que les Japonais avaient,