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sauf dans les farces populaires, commencent à se montrer sur la scène,. Les évêques multiplient leurs objurgations contre l’abus du théâtre, mais en vain. Les plaintes ne sont pas moins vives de la part des philosophes polythéistes : l’empereur Julien déplore les tendances efféminées de la musique de son temps et s’occupe de créer des écoles pour relever l’art du chœur et le diriger dans des voies plus saines. C’est en 395 que le paganisme est officiellement aboli à Rome : les théâtres y restent en faveur ; de même le chant et le jeu de la cithare, les concerts et la musique d’orgue : « Que l’on entende les tambours et, en même temps, les cordes, la symphonie, le chalumeau, le bois, la cymbale, le flageolet, la flûte, le sistre, et que l’instrument dont le gosier d’airain inspire les chants, l’orgue humide, émette bruyamment des sons engendrés par un soufflet ! »

Les incursions répétées des Barbares en Italie et dans tous les pays d’Occident pendant le Ve siècle, incursions partout accompagnées de ruines, de pillages effroyables, réduisirent les peuples à la misère et portèrent un coup mortel à l’art musical et dramatique. Dans la plupart des grandes villes les théâtres furent détruits ou tombèrent en ruines. Salvien, évêque de Marseille, reproche à ses ouailles leur ardeur pour les divertissemens de la scène, que ni guerres ni dévastations n’ont pu parvenir à éteindre. « Lorsque, au cours du VIe siècle, conclut M. Gevaert dans son dernier chapitre de l’Histoire de la musique dans l’antiquité, la dernière institution artistique de la civilisation païenne vint à sombrer en Occident, la société chrétienne, qui se développait à l’ombre de l’Église de Rome, possédait déjà une poésie et une musique adaptées à son culte. Les premiers monumens de cet art naissant — hymnes de saint Ambroise — remontent à la fin du IVe siècle, époque où la technique gréco-romaine était encore très vivante, et où Ammien Marcellin nous montre Rome possédée d’une véritable manie de dilettantisme. Naturellement les cantilènes primitives du christianisme occidental naquirent dans l’atmosphère musicale de leur temps et s’inspirèrent des formes mélodiques en vigueur ; toutefois elles ne prirent pour modèles ni les airs efféminés du théâtre ni les prétentieuses compositions de concert, mais de vieux nomes[1] consacrés par une tradition séculaire, et les modestes refrains dont se contentait l’humble population dans laquelle se recrutèrent les adhérents de la nouvelle foi. « Dès les premiers jours où le chant catholique apparaît hors de la pénombre de ses origines, nous le voyons se ramifier en deux directions opposées, l’une tendant vers la mélodie mesurée unie à des textes sn vers : l’autre cherchant un idéal plus étroitement liturgique, se contentant de textes en prose et du rythme

  1. Νόμος, loi, règle, manière d’être, caractère particulier d’une certaine musique.