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débarquement, que les canonnières manquaient pour remonter le Betsiboka jusqu’à Suberbieville, et que la flotille sur laquelle on avait compté s’est trouvée insuffisante. De là des retards qui ont influé sur toute l’expédition. La marche de Majunga à Suberbieville, et de Suberbieville jusqu’à Andriba, a été extrêmement laborieuse. Pas un seul moment nos soldats n’ont été arrêtés par l’ennemi. Toutes les fois que nous les avons rencontrés, les Hovas ont pris la fuite, soit qu’ils aient été démoralisés par la supériorité de nos armes, soit qu’ils aient voulu réserver toutes leurs forces pour un combat désespéré sous les murs mêmes de Tananarive. On a pu dire, presque sans exagération, que s’il n’y avait pas eu des Hovas dans l’île, les difficultés auraient été pour nous exactement les mêmes, car elles ont consisté presque exclusivement dans le climat qu’il a fallu subir et dans la nature des régions qu’il a fallu traverser. Mais ne savait-on pas d’avance que le climat était meurtrier ? Ignorait-on qu’il n’y avait pas, sur tout le territoire de Madagascar, une seule route ? On le croirait, en vérité, lorsqu’on songe au fâcheux impedimentum dont on a encombré notre marche par le fait des voitures Lefebvre. Ces voitures avaient pourtant été essayées déjà dans la brousse du Dahomey, et elles y avaient donné de très médiocres résultats : mais enfin la distance de Kotonou à Abomey n’est pas comparable à celle qui sépare Majunga de Tananarive, ou même d’Andriba, puisque c’est là qu’on s’est décidé à se séparer de ce poids mort. Étant données les conditions générales de l’expédition, le problème était des plus simples à poser, sinon à résoudre. Il s’agissait de traverser le plus rapidement possible les parties vraiment insalubres de l’île, pour arriver jusqu’aux plateaux. Par suite de quelle aberration d’esprit a-t-on compliqué l’opération par la nécessité de faire une route, non pas seulement pour nos soldats, mais encore pour plusieurs milliers de véhicules qui ne pouvaient rouler que sur un chemin carrossable ? On a perdu ainsi un temps précieux, et, ce qui est pire, on a laissé nos hommes exposés pendant de longues semaines à un climat qui, au su de tout le monde, devait produire chez eux des effets funestes. Ce sont là les plus lourdes fautes commises dans la conduite même de la campagne. Nous ne parlons pas du rapatriement des malades par la mer Rouge ; il a été presque universellement blâmé ; mais il n’a pas eu d’effet immédiat sur l’expédition elle-même, puisque les malades qu’on renvoyait en Europe étaient évidemment considérés comme incapables de reprendre jamais leur place dans le corps expéditionnaire : de toute manière, ils étaient perdus pour la suite des opérations.

Maintenant, le sort en est jeté. Nous n’avons plus qu’à attendre des nouvelles de la colonne qui a quitté Andriba et qui est peut-être arrivée en ce moment même à Tananarive. L’esprit de critique a été poussé si Loin, — et sans doute l’esprit de parti s’y est mêlé quelquefois, — qu’on a reproché au général Duchesne la témérité de sa marche finale sur la capitale.