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la situation intérieure de l’Italie permettait en ce moment de pousser la clémence jusqu’au bout, et il faut bien croire que non, car jamais occasion n’avait été plus favorable au plein exercice de la générosité royale. En tout cas, la déception a été grande, et les journaux avancés ne manquent pas de l’exprimer en termes acerbes ou même violens. Il en est plusieurs qui blâment les fêtes, et qui opposent à ce décor de théâtre l’état de l’Italie telle qu’ils la voient, ou peut-être qu’ils veulent la faire voir. Nous n’avons aucune intention de nous faire ici l’écho de leurs doléances. L’Italie a jugé bon de choisir le 20 septembre pour sa fête nationale : c’est son affaire. Ne nous a-t-on pas reproché quelquefois à nous-mêmes d’avoir pris pour la nôtre le 14 juillet ? Et il est certain que si on regarde froidement le fait en lui-même, au lieu de le considérer comme un symbole, il prête facilement à la critique. Mais le 14 juillet ne regarde que nous, tandis que le 20 septembre touche, comme on l’a vu, à des intérêts internationaux qui n’ont pas encore retrouvé leur équilibre. La loi des garanties elle-même, bien qu’on nous la présente comme une des productions les plus achevées du génie italien, mérite-t-elle tout à fait son nom ? On peut en douter, puisqu’il dépend du gouvernement seul de la retirer, et que M. Crispi a semblé menacer le Vatican de ne plus en tenir compte le jour où il jugera que le clergé est sorti des limites de son droit. Mais, encore une fois, nous ne discutons pas ces questions. Tout ce que nous voulons dire, c’est qu’elles dormaient, et que M. Crispi, soit par la fête du 20 septembre elle-même, soit surtout par le langage qu’il y a tenu, les a brusquement réveillées. Il les a posées à nouveau, agitées, discutées, et non pas peut-être résolues de manière à tranquilliser tout le monde. À quoi bon cette mise en scène ? C’est un plus grand principe politique que celui qui recommande quieta non movere. Le temps arrange bien des choses, à la condition qu’on le laisse agir patiemment et sans le troubler. Lorsqu’on fait le bilan des avantages et des inconvéniens que la fête du 20 septembre a procurés à l’Italie, il est au moins douteux que la balance penche du côté des premiers.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.