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veut dire, mais en laissant deviner l’autre moitié. Chacun se rappelle la période qui suivit le Congrès de Paris : le Piémont, alors, par des encouragemens plus clairs que formels, poussait en avant les garibaldiens ; et par des désaveux plus formels que clairs, dont l’Europe aimait à se rassurer, il réussissait à déblayer le terrain devant eux. C’est un genre de conversation auquel la prise de Rome n’a pas mis terme, avec cette différence que, depuis 1870, ce sont plutôt les reduci qui parlent, et la monarchie qui exécute. À l’égard des hommes qui risquèrent leur vie pour unifier l’Italie, la jeune royauté accepte volontiers les chaînes de la reconnaissance ; elle ne les veut point sentir gênantes ; elle aime mieux les porter allègrement, qu’être accusée de les supporter. Dans la bâtisse qu’ils ont contribué à élever, les survivans des vieilles luttes se croient quelque peu propriétaires ; et sans doute ils cédèrent galamment leur droit à la maison de Savoie ; mais celle-ci, non moins galamment, leur doit accorder quelque usufruit. Lorsqu’ils font vibrer les mots Sempre Avanti Savoia en esquissant le geste du salut, il suffit d’être bon entendeur pour observer que leur ambitieux enthousiasme et le souvenir très précis des services rendus ajoutent à cette exclamation je ne sais quoi d’impérieux. Le gouvernement italien est bon entendeur.

Aussi lorsque, çà et là, parmi ces hommes qui remontent à l’âge héroïque et qui, par leur imagination, y vivent encore, s’éveilla l’ardent désir d’une commémoration solennelle du 20 septembre, ce désir, immédiatement, trouva l’écho qu’ils exigeaient. Puisque la question était posée, il fallait qu’une forte majorité répondît oui : c’est ce qu’expliqua M. Francesco Crispi devant le Parlement. Connaisseur de l’âme populaire, manieur de l’âme parlementaire, il recueillit à Montecitorio, en faveur des fêtes, l’imposante approbation qu’il souhaitait. Le gouvernement et les reduci se donnèrent rendez-vous à Rome pour le 20 septembre.

Telles qu’on les pouvait attendre d’après ces prémices, telles se sont déroulées ces fêtes ; elles ont affirmé, constamment traduit l’inaltérable solidarité qui continue d’exister entre la monarchie installée à Rome et les lutteurs qui l’y conduisirent.


II

Rome s’est parée, pour les noces d’argent de l’Italie, comme pour celles des souverains en 1893. En plus, il y avait des chemises rouges ; nous y prêterons attention tout à l’heure. Il y avait, en moins, les princes de la maison royale, un empereur, et le pavoisement des ambassades. Pour la séculaire lignée de Savoie, Turin demeure le home traditionnel, avec tous les agrémens