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rien, c’est que plusieurs des membres de son conseil de défense affirmaient que, par suite des injustices et des mauvais traitemens auxquels il avait été en butte de la part de ses supérieurs ecclésiastiques, il avait abjuré toute fidélité à l’Eglise. Ils ajoutaient qu’il était le bouc émissaire sur lequel depuis longtemps on rejetait toute la responsabilité du massacre, et que ses 18 femmes et ses nombreux enfans le suppliaient de divulguer tout, pour que les inspirateurs du crime fussent enfin contraints à répondre de leurs actes.

Le mercredi 14, Spicer proposa de fixer au lundi suivant le procès de son client, et le district attorney fit la même proposition en ce qui concernait Dame. La cour s’enquit si le ministère public serait prêt à la date indiquée : on savait qu’il avait rencontré des difficultés inouïes à trouver des témoins disposés à parler; qu’il avait, à maintes reprises, pu constater combien fidèlement les Mormons observaient le secret que leur commandaient leurs lois religieuses ; qu’il avait été amené à la conviction qu’une entente existait dans la communauté pour tenter d’éviter aux meurtriers le châtiment qui les menaçait, et qu’un certain nombre des témoins assignés, dont quelques-uns des plus importans, ne s’étaient pas rendus à la citation qui leur avait été adressée, entre autres Philipp Klingensmith, peu de temps avant évêque mormon de Cedar-City, et Joël White, jadis un soldat de la légion de Nauvoo, qui tous deux avaient participé au massacre. Mais Carey avait surmonté tous ces obstacles, et il venait d’être avisé que Klingensmith et Joël White, appréhendés par les officiers de police envoyés à leur recherche, allaient arriver : il répondit donc affirmativement à la demande de la cour, et celle-ci prévint les témoins d’avoir à se présenter devant elle le lundi 19 et les jurés le jeudi 22.

John D. Lee consacra les derniers jours de la semaine à la rédaction de son compte rendu des faits incriminés. Le dimanche 18 juin, le ministère public et la défense prirent connaissance de ce factum, qui était très volumineux.

Commençant par l’exposé des motifs qui l’avaient décidé à faire l’aveu de la vérité, le prisonnier affirmait qu’il agissait guidé non par un esprit de vengeance, mais par le sentiment de ses obligations envers Dieu, envers son pays, envers lui-même, et afin que, les faits étant connus, la responsabilité du massacre retombât sur qui de droit. Puis, insistant sur ce qu’antérieurement il avait souffert: arrestation, violences, emprisonnement de huit mois, dont trois avec les fers aux pieds, il disait qu’il avait tout supporté avec résignation et courage, parce qu’il savait que la plupart de ceux qui avaient trempé les mains dans cet attentat n’avaient agi que