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qui, grimpé au milieu d’un palmier, ne bouge plus, craintif, n’osant ni monter plus haut ni redescendre...

C’est la vérité ; c’est la vérité !


II. — LE JOUR DE LAN. — LE REPAS EN FAMILLE. — LA PROCESSION.

Mangalam est en fête. Levées dès l’aube, les femmes s’acquittent diligemment de leurs travaux ordinaires. Le sol de la maison est balayé et lavé et, devant la porte, on trace avec le riz en poudre des ornemens linéaires. La porte elle-même, peinte de safran et de curcuma, est décorée de guirlandes de feuilles de manguier. Dans la rue, les petites filles, uniquement vêtues d’un bijou d’argent qui pend à un cordon, construisent des édifices avec des galettes de bouse de vache et les ornent de fleurs. Le potier est l’homme le plus occupé du jour ; les femmes viennent en foule lui acheter des pannelles neuves de toutes les dimensions. Pour mettre celles-ci sur le feu, on attend que le vieux Ramanouja, le saint brahme octogénaire, ait désigné l’instant propice, l’heure favorable, d’après les règles de l’astrologie. Des parens et des amis arrivent des villages voisins, les mains chargées de fruits, et l’on voit paraître, suivant leur mari, les filles de Mangalam qui se sont mariées dans le cours de l’année.

C’est le Pongol-Sangarandy, le jour de l’an des Hindous, la plus grande fête du village, qui tombe vers le 10 ou 12 janvier de notre calendrier et ouvre le mois de Taye. Les douze mois de l’année solaire, dans l’Inde, sont ceux de Taye, Macy, Pangoumy, Sitteray, Vagacy, Amy, Ady, Avany, Prattacy, Aypicy, Cartigay, Margacy. Il y a six saisons, le Vasanta-Kalam, beau temps; qui commence avec le mois de Pangouny; le Grichma ou Uchtna-Kalam, temps chaud, qui commence avec le mois de Vagacy; le Varchaou Mari-Kalam, temps orageux, qui commence avec le mois d’Ady ; le Carcada ou Kulur-Kalam, temps frais, qui commence avec le mois de Prattacy; le Hemanta ou Pani-Kalam, temps de la rosée, qui commence avec le mois de Cartigay; et le Sisira ou Pin-Pani-Kalam, temps humide, qui commence avec le mois de Taye; l’année se partage encore en deux grandes périodes de six mois. La première, que le Pongol inaugure, est dédiée aux Devas bienfaisans; c’est celle des fêtes de famille, des mariages, des grandes cérémonies religieuses. La seconde est dédiée aux mauvais génies, aux Assouras; c’est celle des travaux pénibles des champs, des procès et des querelles.

Le matin du Pongol, les hommes sont allés chercher dans les rizières quelques épis verts, presque mûrs, puisqu’on est à la veille de la moisson. Ils font bouillir ces premiers grains de riz