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fournir une collaboration si précieuse à la « grande œuvre » politique de M. de Bismarck.

Lui-même continuait à prêcher d’exemple. Non content de fondera Munich des écoles, des commissions, des revues, destinées, suivant son expression, « à l’étude des seules questions historiques qui pouvaient offrir des points de contact avec l’époque présente », il publiait une foule d’essais et de brochures d’un caractère essentiellement politique, cherchant pour ainsi dire dans le passé, au fur et à mesure des événemens, les sujets les plus actuels et les mieux appropriés à servir de leçon. Tour à tour Joseph de Maistre, Catherine Ire de Russie, Napoléon Ier, lui donnaient l’occasion d’exposer ses vues sur la politique courante. Mais aucune de ses publications ne fit autant de bruit que son essai sur une Conception nouvelle de l’époque impériale allemande, écrit en 1859, puis récrit et réédité avec d’importans remaniemens en 1861. Sybel y déclarait en termes précis que « de même que les fleuves coulaient fatalement vers la mer, de même l’histoire de l’Allemagne devait aboutir fatalement à la formation d’une grande ligue allemande, sous la présidence du plus fort de ses membres. »

Cette déclaration, et la confiance qu’il ne manquait jamais de témoigner dans les hautes destinées de la Prusse, finirent par lui rendre difficile de prolonger son séjour à l’université de Munich : et c’est sur l’avis formel du roi de Bavière qu’il se décida, en 1861, à revenir à Bonn, cette fois en qualité de professeur titulaire.

A Bonn, il se lança de nouveau dans la politique militante. Élu député par la circonscription de Crefeld, il fut, deux années durant, un des chefs du centre gauche dans la Chambre prussienne ; ce qui ne l’empêchait point de rester professeur, et de poursuivre par tous les moyens ses projets de réformes universitaires. Et lorsque, en 1864, l’état de sa santé le contraignit à se démettre de ses fonctions législatives, il eut de nouveau recours aux études d’histoire pour soutenir et pour développer son idéal politique.


Cet idéal se trouva réalisé, quelques années plus tard, de la façon que l’on sait. Et pour récompenser Sybel de la part qu’il avait prise à sa réalisation, M. de Bismarck, en 1875, l’appela à Berlin, où il lui confia la direction des Archives prussiennes. Sybel continua d’ailleurs, d’après sa propre expression, à « se considérer plutôt comme un professeur que comme un fonctionnaire » dans cet emploi nouveau, qu’il ne devait plus cesser de remplir jusqu’à la fin de sa vie. Tout en s’occupant d’entretenir et de classer les documens dont il avait la garde, et qu’il lui fut bientôt permis de faire transporter dans un vaste édifice expressément construit pour les recevoir, il inaugura dès son arrivée à Berlin, avec le concours de jeunes assistans convertis à ses idées, les