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prévalent en Tunisie, les clauses du traité sont absolument obscures ; elles nous laissent dans l’état de choses antérieur, et il n’en pouvait être autrement, puisqu’il s’agit d’un traité entre la France et les Hovas, liés eux-mêmes par des engagemens en cours, plusieurs à forme perpétuelle, avec différentes nations. Le gouvernement a bien vu la difficulté, mais il ne Ta pas résolue ; il a inséré à l’article VI cette clause : « Le gouvernement de la République française n’assume aucune responsabilité à raison des engagemens, dettes ou concessions, que le gouvernement de Sa Majesté la reine de Madagascar a pu souscrire avant la signature du présent traité. » Certes, nous approuvons le dernier cabinet de n’avoir pas répété dans le traité hova l’imprudente déclaration du traité du Bardo ; mais cette clause défensive constitue une précaution, sinon absolument inutile, du moins insuffisante. Déjà les journaux anglais déclarent que le traité entre la France et les Hovas, étant res inter aitos acta, ne peut porter aucune atteinte aux engagemens qui ont été pris par la reine de Madagascar envers l’Angleterre ; les Américains feront demain le même raisonnement et également les Allemands.

Dans cette situation, les Français continueront d’être considérés à Madagascar comme des étrangers ; les produits français seront assujettis à toutes les taxes qui grèveront les produits britanniques et américains ; éternellement, puisque les traités entre Madagascar et la Grande-Bretagne sont perpétuels, ce sort pénible sera réservé à nos exportations dans l’île. Nous ne serons jamais, pas plus dans un siècle ou deux qu’à l’heure présente, les maîtres des douanes, dont le maximum des droits ne devra jamais dépasser 8 pour 100, ni les maîtres des impôts, ni même les maîtres incontestés du régime des terres. Privée de ressources, car celles-ci ne lui peuvent venir que des douanes et des impôts, Madagascar ne pourra pas se développer. Nous aurons toutes les charges de l’occupation ; il faudra qu’avec les deniers de la mère patrie nous comblions les déficits d’un budget privé d’élasticité ; et les étrangers ayant tout autant de droits que nous, étant exactement sur le même pied que nous, tireront les plus palpables bénéfices de nos efforts et de nos dépenses. Il ne faut pas oublier, en effet, que Madagascar se trouve en face des possessions britanniques de l’Afrique australe. Si encore à Tunis, situé à peu de distance de la France et voisine de notre Algérie, nous avons pu, malgré le précaire et fâcheux régime international, implanter quelques cultures et jeter en quatorze ans une douzaine de mille âmes de population française, nous ne pouvons espérer à Madagascar, sans aucun avantage à l’encontre des Anglais, obtenir un