Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résultat analogue. Avec ce protectorat, qui laisserait les Français et les produits français traités en étrangers à Madagascar, nous ferions tous les frais d’une sorte de communal européen, où ceux de nos rivaux qui ont déjà de grands établissemens dans cette région s’épanouiraient à l’aise. Il se rencontrerait, en peu d’années, que nous aurions simplement, avec le sang français et l’argent français, préparé, couvé et développé une colonie britannique.

Notre situation d’étrangers à Madagascar est encore accentuée dans le traité par l’article VII, relatif à la délimitation du territoire de Diego-Suarez. Le soin qui est apporté à préciser la ligne de démarcation ne fait qu’accentuer la différence entre la minuscule et infertile colonie qui nous appartient et la grande terre où nous serions des protecteurs, mais où nous resterions des étrangers.

Quand on analyse ces clauses, on comprend la déception qu’ont éprouvée, non seulement le gros public, qui juge d’après les impressions générales, mais tous les hommes, sans presque aucune exception, qui ont quelque pratique des questions coloniales : ceux, comme M. Le Myre de Vilers, qui ont représenté la France dans l’île, et ceux qui, s’étant mêlés à la colonisation tunisienne, ont éprouvé les fâcheux effets de ce que l’on appelle le protectorat diplomatique et politique.

Si, au contraire, on déclarait Madagascar possession française, réserve faite du régime d’administration intérieure, la situation serait tout autre. Dans ce cas, il est incontestable que les Français seraient considérés à Madagascar comme des nationaux ; les produits français seraient assimilés, dans l’île, aux produits nationaux ; ils seraient, ipso facto, affranchis des droits de douane ; les étrangers ne pourraient s’autoriser de cette immunité pour réclamer le traitement de la nation la plus favorisée. Ce serait là, déjà, un grand point ; nous n’avons pu encore y arriver, en Tunisie, après quatorze ans d’occupation. La déclaration que Madagascar est possession française suffirait-elle pour faire tomber les traités conclus entre la reine et l’Angleterre et les autres puissances ? Bien des précédens diplomatiques pourraient être invoqués dans ce sens, et l’affirmative paraît beaucoup plus probable que la négative. Mais en admettant que la question prêtât à douter, nous serions dans une situation bien meilleure pour en obtenir une solution favorable. Notre droit, par exemple, n’admet pas les engagemens perpétuels ou ne les admet que comme susceptibles de dénonciation à la volonté de l’une des parties ; nous serions donc dans une bien meilleure posture pour remanier des