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V

Les plus récens gouverneurs généraux de l’Algérie, MM. de Gueydon, Chanzy, Tirman, J. Cambon, se sont efforcés à tour de rôle, et avec le plus grand zèle, de combattre les invasions. Ce fut par l’étude, l’expérience aidant, que l’on sut peu à peu que la destruction préventive était le meilleur des préservatifs.

Entre temps, tantôt on préconisait un labour assez profond pour ramener à la surface du sol les œufs qui avaient été déposés par les sauterelles et que le soleil stériliserait ; tantôt c’était l’extirpation du sol de ces mêmes œufs qui se trouvent enfouis à une faible profondeur et qu’on extrayait à l’aide de couteaux et d’instrumens en bois en ayant la forme. Là encore ce sont des coups de feu, le bruit à l’aide d’ustensiles en cuivre ou en fer battu et la projection de gravier sur le sol qui mettra en fuite l’insecte ailé. Ici, dans les terrains à alfa, les indigènes emploieront l’incendie pendant la nuit, en mettant le feu sur différens points. Ils usent également, dans les pays découverts, d’un autre moyen, plus lent peut-être, mais sûr : ils forment des groupes suivant l’importance de la destruction et coupent les colonnes d’insectes on divers tronçons. Armés de branches de laurier-rose recueillies dans le lit des rivières voisines, ils entourent chaque tronçon et, dans une marche concentrique où les pieds et les branches de lauriers jouent le même rôle, ils écrasent les sauterelles qui couvrent le sol. Un autre procédé conseillé aux colons fut celui de creuser de larges fossés dans la direction que prenaient les criquets, à les y précipiter et a les enfouir en tassant vigoureusement la terre avec les pieds.

En 1868, notre consul à Chypre, M. Colonna Ceccaldi, recommande l’emploi, en Algérie, de l’appareil imaginé par un agronome du pays M. Riccardo Mattei, et qui, depuis, a reçu le nom d’appareil cypriote. Nous le décrirons plus loin, car c’est de tous les appareils connus celui que le gouvernement français paraît préférer. Les Arabes, et surtout ceux de la province de Constantine, ont de leur côté employé très habilement le melhafas, pièce d’étoffe dont leurs femmes s’entourent le corps. On force les criquets à y grimper, ils y sont enveloppés et piétines en masse.

Cette multiplicité de moyens de défense — et nous sommes contraints d’en passer un grand nombre sous silence — prouve déjà surabondamment combien étaient vives et justifiées alors, comme elles le sont encore aujourd’hui, les craintes des colons et des gouvernans. L’incinération fut aussi recommandée dans les