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tous ses membres ; toutefois, parmi eux, il y a des hommes de beaucoup de mérite, tels que M. Berthelot, M. Cavaignac, d’autres encore, et tout ce qu’on peut se demander est s’ils ont toujours été mis à leur place. M. Godefroy Cavaignac est un des hommes les plus studieux de la Chambre ; malheureusement ses études, assurément très sincères, l’ont peu à peu détourné des modérés pour le rattacher aux radicaux. Il a signé, avec le ministre actuel des finances, M. Doumer, un projet d’impôt progressif sur le revenu. Les questions militaires ne l’ont pas moins attaché que les problèmes financiers ; nous aurons, un jour prochain, à nous demander s’il les a mieux résolues. Sa nomination au ministère de la guerre a produit quelque émotion dans l’armée. Quant à M. Berthelot, s’il a été placé aux affaires étrangères, c’est probablement parce que les nouveaux ministres ont pensé que le plus illustre d’entre eux était celui qui les représenterait le plus convenablement auprès de l’Europe, et aucun n’avait, au surplus, des connaissances diplomatiques supérieures aux siennes : ils étaient tous également novices en pareille matière. On assure qu’ils ont fait les plus grands efforts pour retenir M. Hanotaux, mais que celui-ci s’est absolument refusé à rester dans un ministère qui s’éloignait trop de ses opinions. Les diplomates de carrière auxquels on a demandé de le remplacer n’ont pas cru pouvoir le faire, probablement pour des motifs analogues à ceux qui avaient provoqué son propre refus. Et voilà comment M. Berthelot est devenu ministre des affaires étrangères. Les choix de ce genre ne sont pas sans précédens au quai d’Orsay, et il y en a qui ont réussi : nous souhaitons bonne chance à M. Berthelot. Que dirons-nous de ses autres collègues ? Ils sont presque tous connus, car presque tous ont déjà été ministres. M. Lockroy l’est pour la troisième fois, sinon pour la quatrième ; il vient de se révéler marin. M. Ricard avait déjà été garde des sceaux, on se souvient dans quelles circonstances délicates. M. Guyot-Dessaigne lui-même avait déjà été ministre, au moins pendant huit jours : c’était, si nous ne nous trompons, tout à la fin du ministère de M. Floquet. On voit que s’il y a quelque chose de nouveau dans ce ministère, ce n’est pas précisément dans les hommes qui le composent. Presque tout ce personnel a déjà servi, et il y en a au moins une partie qu’on croyait bien tombé hors d’usage. Mais, dans le monde parlementaire, il ne faut désespérer de rien. Il n’est personne aujourd’hui qui, à un moment donné et par suite d’un coup de vent imprévu, ne puisse devenir ministre, et quand on l’a été une fois, on peut le redevenir toujours. M. Viger en est une preuve : mais sa modestie l’attache toujours à l’agriculture, tandis que la règle générale, quand on a fait ses preuves dans un ministère, est de passer aussitôt à un autre. Ainsi, M. Guyot-Dessaigne ancien procureur impérial, ayant été à la justice, est aujourd’hui aux travaux publics ; M. Cavaignac, ayant été à la marine, est à la guerre ; M. Lockroy, ayant été au commerce, est à la marine ; M.