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du second, pesant 36 grammes, représente un centime et quart. Dans les papiers de ce prix, où il ne peut entrer que du bois, l’art du fabricant consiste à marier avec sagacité les pâtes chimique et mécanique. L’une est la chaîne, l’autre la trame ; la cellulose sert de soutien et procure la solidité, mais elle est trop chère et trop dure, le bois pulvérisé au contraire donne du moelleux, de l’opacité, et permet d’abaisser le prix de vente. La plupart des feuilles quotidiennes à grand tirage contiennent un tiers de la première et deux tiers du second.

Les papiers communs ont ainsi profité à la fois de l’introduction d’élémens nouveaux et de l’usage de machines perfectionnées. S’il fallait les faire à la main comme jadis, et avec les mêmes matières, le numéro de journal coûterait deux sous, et le roman in-18 vaudrait 2 francs. La grande presse à cinq centimes et les éditions à bon marché reposent donc uniquement sur la baisse récente ; les sortes à 35 francs les 100 kilos, dont je viens de parler, se payaient 400 francs au lendemain de la guerre de 1870, 65 francs en 1880 et 44 francs en 1888. La diminution est moins saillante pour les articles de luxe ; elle est pourtant générale, depuis le papier de soie jusqu’au carton.


VI

Lorsque la pâte, convenablement dosée, n’attend plus que le dernier terme de sa métamorphose, elle est dirigée sur la machine dont l’inventeur fut un de nos compatriotes, et que les Anglais continuent à désigner sous le nom français de Fourdrinier. Au siècle précédent, où le papier se fabriquait exclusivement « à la cuve », on obtenait les feuilles une à une, en plongeant dans une auge pleine de pâte liquéfiée une sorte de tamis de laiton, appelé « forme », qu’on en retirait aussitôt. Tandis que l’eau s’écoulait, l’ouvrier, par un mouvement de va-et-vient, égalisait le dépôt fixé sur le grillage. Ce dépôt s’agglutinait, se « serrait », prenait tournure. Un autre ouvrier, le « coucheur », enlevait de dessus la forme ce tissu tout humide, bien délicat encore, et le posait sur un feutre. L’opération se poursuivait ainsi jusqu’à ce que l’on eût une pyramide de 800 feuilles ; on la portait sous une presse qui la dépouillait de son liquide, puis on enlevait les 800 feutres intercalés, et l’on recommençait, sous un second appareil, à exprimer l’eau qui restait encore dans le papier ; enfin on l’étendait, comme du linge, sur des cordes où il achevait de sécher.

Que l’on eût, par ce procédé, des produits supérieurs à ceux