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avons ramenés à trois : 1° système d’And ne et de Thomas Hare, quotient et liste de préférence ; 2° système de la concurrence des listes et double vote simultané ; 3° enfin, système de M. d’Hondt, diviseur commun. Mais, à vrai dire, ce ne sont pas des systèmes, ce sont des catégories ou des types de systèmes. Chacun d’eux a ses variantes, comme une planète, ses satellites. Et nous n’avons même pas mentionné Condorcet et « la simple pluralité » avec ou sans minimum, ni Borda et le système du vote gradué ou des suffrages décroissais, ni l’amendement que voulaient y apporter les Francfortois Burnitz et Warentropp, ni la liste unique avec quotient unique d’Emile de Girardin, ni la liste unique avec quotient unique et report des voix de M. Campagnole, ni M. S. de la Chapelle et le système de la liste fractionnaire, ni M. Pernolet et le quotient d’élimination, ni tant d’autres, et encore tant d’autres ! La représentation proportionnelle a ce malheur qu’on ne peut traiter d’elle et être clair sans renoncer à être complet, ni traiter d’elle et être complet sans cesser d’être clair. Ah non ! ce ne sont pas les systèmes qui manquent ! loin de là ; il y en a trop, pour qu’il y en ait un bon ! Et l’on dirait que leurs auteurs ont pris plaisir à se réfuter mutuellement !

Tel proportionnaliste convaincu, membre actif d’une société de propagande, rejette la liste unique, repousse la liste fractionnaire, écarte la liste de préférence, n’est qu’à demi satisfait du quotient avec transfert des voix, préférerait le chiffre répartiteur, mais en y adjoignant un quotient d’élimination, en les mêlant ensemble et en amendant la mixture. Le plus parfait de ces systèmes, on ne craint pas de le répéter, ou le plus voisin de la perfection mathématique, celui de M. d’Hondt, celui-là même ne trouve pas grâce, non pas devant les adversaires, mais devant les amis zélés de la représentation proportionnelle. Il est en butte aux attaques ou aux critiques : et de ceux qui le proclament « savant », mais démontrent qu’il n’est point, pour cela, infaillible ; et de ceux qui, lui reprochant d’exiger tant de divisions successives, tant de quotiens alignés par rang de taille, le jugent plus savant qu’il ne conviendrait : — « Pourquoi courir après le diviseur commun lorsqu’il suffit d’une règle de trois ? » — et de ceux, enfin, qui ne le jugent pas assez savant et travaillent à le rendre plus arithmétique, plus géométrique et plus algébrique encore ! Mais, savant, trop savant, ou pas assez savant, quotient ou chiffre répartiteur, commun diviseur ou règle de trois, ce sont bien des affaires pour le suffrage universel !

Et c’est très vraisemblablement parce que ce sont trop d’affaires pour lui, que la représentation proportionnelle n’a pas, malgré tout ce qu’on voudra prétendre, poussé, après cinquante