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dans la nation organisée. Lorsque la représentation nationale reproduira la vie de la nation et les différens facteurs de cette vie proportionnellement à ce qu’ils y sont et à ce qu’ils y font, — elle sera vérité et justice — non point peut-être vérité jet justice mathématiques, vérité absolue et absolue justice, mais vérité et justice politiques — et d’une institution politique, il serait décevant d’attendre de l’absolu. Comment donc la représentation nationale peut être moulée et modelée sur la vie nationale, c’est ce que nous allons maintenant essayer de montrer.

Ici est close la première partie de ces études, partie critique et négative. Passant en revue l’un après l’autre expédiens, combinaisons et systèmes, nous espérons avoir fait voir qu’aucune de ces prétendues solutions n’était la vraie solution, si l’on s’y tenait étroitement et si d’abord on ne la vivifiait point par un principe. Mais ce principe, nous espérons aussi l’avoir fait au moins entrevoir : il ne s’agit plus que d’en suivre le développement pratique, étant observé que, chemin faisant, on ne s’interdit pas de reprendre en tel ou tel des expédiens, des combinaisons ou des systèmes, improductifs sans ce germe de vie, ce qu’avec lui on en pourrait féconder et utiliser.

Notre première conclusion est celle-ci : il n’y a, à la crise de l’Etat moderne, d’autre solution que de substituer au suffrage universel inorganique le suffrage universel organisé. Et la question est désormais : d’après quoi, pratiquement et légalement, sera organisé le suffrage universel à substituer au suffrage inorganique ? D’après quoi, et sur quoi organiser le suffrage universel — afin que, si la démocratie est une mer montante, comme le disent ses poètes lyriques (car elle en a) ce soit une mer qui n’ait que des marées et qui n’ait pas ou n’ait que peu de tempêtes ? — afin que, si, comme nous le disons, la nation est un être vivant, que la représentation doit reproduire en abrégé, les élections, loin de tout secouer et ébranler en de fiévreux accès, ne soient, à intervalles égaux, que comme le souffle paisible et sain, comme la respiration normale du pays ?


CHARLES BENOIST.