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IV

La révolution de 1830 exalta les jeunes gens. Ils crurent qu’ils allaient revoir leur patrie et jouir de leurs droits de citoyens français. La nouvelle parvint au prince Louis, au camp de Thoune, où, faisant dix à douze lieues par jour, à pied, le sac au dos, il continuait son éducation militaire. Son premier mouvement fut de partir pour la France ; la prudence maternelle le retint ; il ne tarda pas à apprendre que le séjour lui en demeurait interdit, en vertu de la loi de 1816 toujours en vigueur.

Ce n’était pas à lui de parler au nom de sa famille. À défaut du duc de Reichstadt captif, Joseph protesta, par une lettre à la Chambre des députés, qu’on ne lut pas (18 octobre 1830). Il ne contestait pas à la nation le droit de révoquer l’acte qui, par 3 500 000 suffrages, avait couronné la famille des Napoléon ; il se déclarait prêt à obéir à sa volonté, mais il demandait qu’elle fût formellement et directement manifestée, et qu’un vote universel détruisît ce qui fut établi par un vote universel. Jusque-là Napoléon II restait en possession de la légitimité, résultant du vote volontaire du peuple, sans qu’une nouvelle élection fût nécessaire[1].

Les divers membres de la famille approuvèrent cette protestation, sauf Jérôme qui, moins exigeant sur les principes ou plus découragé, la jugea au moins inopportune. Il ne se refusait pas « à reconnaître en Louis-Philippe le chef légitime d’une cinquième dynastie. Si cela n’a pas été dans le principe la volonté de la nation, tous les jours cela le devient[2].

Ne pouvant se rendre en France, le prince Louis s’achemina vers Rome, où il arriva avec sa mère le 15 novembre, après avoir embrassé, à Viterbe, son père qui rentrait à Florence. Il y trouva un interrègne pontifical et la ville en sourde fermentation. Il s’installait à peine que cinquante carabiniers entourèrent son palais et lui notifièrent l’ordre des trois cardinaux chargés du gouvernement intérimaire de quitter la ville sur-le-champ. On lui reprochait d’avoir, la veille, parcouru le Corso, son cheval orné d’une chabraque tricolore.

Il revint à Florence auprès de son père et de son frère. La fermentation italienne, quoique tempérée par la placidité toscane, s’y faisait sentir. Les princes brûlaient de faire au moins quelque chose pour la cause italienne. On a voulu, à tort, mettre en tout

  1. Protestation citée. Lettres des 7, 9 septembre 1830, à Lafayette et à Lamarque.
  2. Lettre à Joseph, du 6 janvier 1831.