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étant morte à Lausanne (30 novembre 1835), ce prince avait conduit ses deux enfans à Arenenberg. Hortense avait fort goûté l’esprit prime-sautier et déjà brillant du jeune homme. Choquée toutefois de la facilité avec laquelle il s’écriait : « C’est ridicule… c’est bête… ça n’a pas le sens commun »… elle le lui reprocha maternellement dans une admonestation écrite adressée « à mon neveu Napoléon, qui aime trop la discussion ». La jeune fille, au contraire, l’enchanta sans réserves, et un projet de mariage se forma tout naturellement entre elle et le conspirateur d’Arenenberg. Ne pas être amoureux étant la première condition du programme matrimonial paternel, le prince déclare qu’il ne l’est pas. Dans le vrai il était fort épris[1]. La jeune princesse était une fleur de beauté accomplie, ayant la régularité classique de la famille Bonaparte, à la fois imposante et charmante, simple et fière, d’une intelligence vive et saine, éprise surtout de l’art, avec cette âme chaude, loyale, dévouée, qui rend son affection si chère à ceux qui ont la bonne fortune de l’obtenir.

Quelques difficultés d’intérêt entre les deux pères, la crainte qu’inspiraient à Louis les dispositions de Jérôme à la prodigalité, parurent un instant contrarier ce projet, mais tout s’aplanit. Tandis que la jeune princesse se rendait en Wurtemberg, où l’appelait l’affectueux empressement de sa famille maternelle, son frère l’attendit à Arenenberg, travaillant sous la direction de son cousin. À son retour, elle est choyée comme une fiancée. Elle se remet en route pour Florence, où elle va attendre le mariage. Quelques jours après, on apprend que le prince ayant quitté Arenenberg sous prétexte d’une partie de chasse, a tenté un coup de main sur Strasbourg (30 octobre), qu’il est arrêté et en route pour Lorient.


VI

Le coup avait été combiné pour le 31. La précipitation confiante de Persigny l’avança d’un jour. Il croyait inutile, — ce qui contribua grandement à l’échec, — d’attendre de Bruc et ses auxiliaires sérieux.

Le prince avait expliqué ses intentions dans une proclamation au peuple et à l’armée. « Il ne vient pas comme le représentant de l’Empire, mais comme celui de la souveraineté nationale l’aigle est l’emblème des droits du peuple et non celui des droits d’une famille. En 1830, on imposa à la France un gouvernement sans consulter ni le peuple de Paris, ni la nationalité des provinces,

  1. « J’aimais beaucoup Mathilde », écrivait-il plus tard à son père, après la rupture du mariage, quand il pouvait, sans blesser son père, paraître amoureux.