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permettre. C’est ainsi que, dans la période de vingt années qui suivit les conventions de 1859, en dehors de l’extension des grands réseaux d’intérêt général mentionnée ci-dessus, on concéda 9 000 kilomètres de lignes secondaires, dont plus de la moitié étaient qualifiées lignes d’intérêt local, mais qui, presque toutes, étaient établies dans des conditions trop onéreuses, par des compagnies dont la constitution financière était très précaire.


Le développement ainsi donné à l’ensemble de notre réseau était encore loin de répondre à tous les désirs des populations. Quand, avec cette fertilité de ressources qui étonna le monde, la France eut fait face aux charges écrasantes qu’entraînèrent les désastres de 1870, le gouvernement et les Chambres cherchèrent les moyens de satisfaire à ces désirs. Ni les grandes compagnies, qui ne voulaient pas se surcharger de lignes improductives, ni les petites, qui n’avaient pas les ressources et le crédit nécessaires, ne se prêtaient à un développement extrêmement rapide des concessions. Les pouvoirs publics n’eurent alors ni assez de résolution pour se rendre maîtres du réseau par le rachat général, ni assez de patience pour attendre qu’il fût possible de faire accepter peu à peu de nouvelles concessions aux compagnies. Au lieu de prendre l’un de ces deux partis, l’État s’engagea avec une ardeur inconsidérée dans la construction de lignes nouvelles, sans avoir réglé les conditions dans lesquelles elles seraient exploitées. C’est par l’effet de cette politique qu’au bout de quelques années la Chambre la plus hostile peut-être aux grandes compagnies qu’on ait vue en France, se trouva acculée à les consolider définitivement, en votant les conventions de 1883.

Déjà l’Empire, en 4868, puis surtout l’Assemblée nationale, au moment de se séparer, avaient donné le regrettable exemple de déclarer d’utilité publique ou de classer législativement dans le réseau d’intérêt général, un grand nombre de lignes dont le mode d’exploitation n’était pas prévu. L’Etat avait ainsi, à la fin de 1875, assumé la charge de construire 2 900 kilomètres environ de ligues qui n’étaient ni concédées, ni susceptibles d’être exploitées isolément quand elles seraient terminées. Nous allons voir avec quelle rapidité il accrut volontairement cette source d’embarras.

Dès 1876, un grand nombre de compagnies secondaires se trouvaient dans l’impossibilité de faire face à leurs engagemens, acculées à la faillite ou à la déchéance. La compagnie du Nord, en vertu de traités provisoires, assurait l’exploitation des lignes qui étaient dans son champ d’action, sans d’ailleurs avoir été autorisée à rattacher à son compte de garantie ou de partage des bénéfices