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vitrines une série de cadres où, sur des fonds de velours noir, sont fixées de menues pièces de mécanique, fort jolies du reste. Eh bien, les pièces ne changent jamais ; il n’y a que le cadre qui est rajeuni, chaque fois… Vous pourrez les voir en 1900… Pour la troisième fois elles auront des médailles d’or.

Et il conclut ainsi :

— Tout cela, c’est de la folie… tout cela, c’est du mensonge !… Ah ! qui donc nous délivrera une bonne fois des expositions !

Je n’ai entendu partout que ce cri de lassitude, chez les petits comme chez les grands. Et les industriels seront médiocrement consolés, quand ils auront lu ce qu’écrit, pour les rassurer, un des plus enthousiastes défenseurs de l’Imposition de 1900 : « Il faut obtenir d’eux une participation aussi considérable que possible et qui tout d’abord se traduira, pour eux, par d’importans frais d’installation. Aussi doit-on les traiter comme des collaborateurs et non comme des mines à exploiter dont le budget d’une exposition doit tirer le meilleur parti possible, ce sont des collaborateurs dont on ne peut exiger trop de désintéressement, et il est indispensable qu’ils puissent avoir la perspective de quelques avantages commerciaux devant les rémunérer de leurs avances. » Malheureusement, il néglige d’énumérer les avantages indispensables et d’ouvrir cette nécessaire perspective. Et ces paroles rassurantes d’un trop chaleureux ami se résument en ce seul mot : payer, encore payer, toujours payer.


III

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le mal causé par les expositions est signalé. Il y a longtemps que fut publiquement dénoncée, avec l’insuffisance de leurs résultats économiques, l’absolue inanité de leur signification industrielle ; mais nous sommes ainsi faits que les avertissemens les plus précieux nous ne les écoutons jamais. Nous fermons nos oreilles à toutes les paroles qui ne sont pas des paroles de vanité et de flatterie, et nous nous apercevons qu’un gouffre s’est ouvert le jour seulement où nous sommes tombés au fond. Nous ressemblons à ce fou que l’on réveille en criant : « Au feu ! au feu ! Tu ne vois donc pas que ta maison brûle ? » et qui répond : « Mais non ! vous vous trompez. C’est l’aube qui naît… c’est le soleil qui se lève… Laissez-moi dormir encore. »

Dans une brochure éditée par la Ligue lorraine de décentralisation d’où est sorti le premier mouvement de révolte « contre la grande manifestation nationale de 1900 », je trouve des documens caractéristiques qui prouvent que les avertissemens ne nous ont