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point manqué. Ce sont les extraits des rapports officiels publiés à la suite de chaque exposition. Bien qu’ils émanent de personnalités aux tendances politiques très opposées, ils marquent des préoccupations à peu près pareilles. Notez, en plus, que le pays, en ces diverses époques, ne ressentait pas encore les symptômes du malaise économique qui l’atteint aujourd’hui dans ses moelles si profondément. On pouvait lui demander des sacrifices momentanés que l’énergie de sa vitalité, les ressources de sa richesse rendaient facilement et promptement réparables. Nous n’étions pas écrasés, comme nous le sommes maintenant, par d’absurdes impôts sans cesse accrus et de jour en jour plus lourds. Eh bien, voici à quelles conclusions en étaient arrivés des esprits clairvoyans, et que leur caractère officiel met à l’abri de toute accusation d’hostilité préconçue et partiale.

A propos de celle de 1855, qui fut pourtant bien modeste, ainsi qu’il convenait à une débutante, le prince Jérôme Napoléon, en son Rapport administratif, s’attaque au principe même des expositions universelles, qu’il juge inextricables, d’une classification arbitraire, sans valeur d’enseignement, et il préconise la création d’expositions partielles techniques, spéciales, plus fréquentes, mais restreintes à un choix judicieux parmi les produits qui sollicitent le plus, dans l’instant où elles fonctionneraient, l’attention du public, et l’étude qu’en peuvent faire les visiteurs compétens.

En 1867, M. Le Play, frappé des mêmes inconvénients, qui n’avaient fait que grandir, et, de plus, inquiet des considérables dépenses qu’entraînent de telles organisations si éphémères, propose qu’on remplace les expositions universelles par des expositions permanentes, sur des points déterminés du territoire français, et en dehors des vastes centres de population, sortes de musées commerciaux et industriels, — c’est le nom qu’il leur donne, — et comme en ont depuis établi l’Angleterre et l’Allemagne, lesquelles paraissent avoir proscrit le système des expositions universelles, pour cette raison qu’elles ne correspondent plus aux besoins modernes.

Enfin en 1878, M. Krantz, sous un optimisme de commande, laisse percer de sérieuses appréhensions. Il avoue, lui aussi, non sans mélancolie, que les résultats obtenus sont loin de compenser les sacrifices qu’on exige des particuliers et de l’Etat. Et sous des phrases qu’il s’efforce de rendre réconfortantes, et qui, mieux que des déclarations pessimistes, témoignent de son embarras et de ses angoisses, il entrevoit le moment où « ces œuvres magistrales » se heurteront à de si fortes difficultés, qu’on devra y renoncer. Si telle n’est pas absolument la lettre de