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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 décembre.


Il s’est produit beaucoup d’événemens au dehors pendant la quinzaine qui vient de s’écouler, et fort peu au dedans. Les séances du parlement ont manqué tout à fait d’intérêt, L’opposition a renoncé, au moins pour le moment, à attaquer le ministère, et il faut reconnaître que ses premières attaques, si on les juge d’après le résultat, n’avaient pas été bien heureuses. Une sorte de trêve s’est produite. De part et d’autre, on est d’accord pour reconnaître qu’il n’y a actuellement rien de mieux à faire que de voter le budget ; ensuite… on verra. Aussi la discussion du budget, surtout pendant les premiers jours, a-t-elle marché avec une rapidité presque vertigineuse. On aurait cru voir, dans un train de chemin de fer lancé à toute vitesse, les arbres défiler le long de la route : c’est ainsi qu’apparaissaient et disparaissaient les articles du budget. Si les choses avaient continué de ce pas, le budget aurait été voté par la Chambre dès le 10 décembre ; mais le mouvement, d’abord si précipité, s’est ralenti peu à peu. Il n’en reste pas moins très probable que le budget pourra être, cette année, voté avant le 31 décembre, ce qui paraissait tout à fait impossible il y a quelques semaines. Le ministère radical commence à se faire gloire d’avoir réalisé ce tour de force : il aura réussi où ses prédécesseurs avaient échoué. Mais pour s’expliquer le phénomène, on doit tenir compte de deux circonstances sans lesquelles il aurait été tout à fait impossible. D’abord le ministère Bourgeois, tout radical qu’il est, s’est contenté de prendre purement et simplement à son compte le budget du ministère qui l’a précédé. Si ce budget a été modifié, et même assez profondément, depuis le jour de son dépôt sur le bureau de la Chambre, ce n’est pas par le cabinet actuel, mais bien par la commission. Après de longues études, des discussions, des transactions dont le public n’a eu qu’une connaissance incomplète, le gouvernement d’hier et la commission s’étaient mis d’accord à peu près sur tous les points. C’est juste à ce moment que le cabinet Bourgeois a fait son apparition sur la scène. Il a accepté tout ce qui avait été préparé avant lui ; il en a fait son profit, et en agissant ainsi, il s’est montré habile et sage, à la manière du geai qui se parait des plumes du paon.