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même comme lord Salisbury. Dans les concerts les mieux réglés, on admet des parties différentes, qui n’en concourent pas moins à l’effet d’ensemble. L’effet cette fois a été assez fort pour amener le sultan à composition : que faut-il de plus ?

Nous voudrions, quant à nous, que ce nouveau succès fût apprécié par l’Europe comme il mérite de l’être. Il y a quelques semaines, après une première campagne contre le sultan, on lui a arraché la promesse d’accomplir des réformes en Arménie, et il a engagé sa parole d’honneur qu’il veillerait lui-même à leur complète exécution. On a pu croire à ce moment que tout était fini : point du tout. Les puissances n’ont paru tenir aucun compte de l’adhésion du sultan à leurs vues. Les massacres, qui avaient cessé, ont recommencé. Abdul-Hamid n’a pas eu une minute pour reprendre haleine ; on lui a, tout de suite, demandé le doublement des stationnaires. Soit ! que va-t-on maintenant exiger encore de lui ? Ne semble-t-il pas équitable de lui laisser un peu de répit, ne fût-ce que pour lui donner le temps matériel d’accomplir les réformes auxquelles il s’est engagé ? Il serait bon, en tout cas, que les puissances n’agissent plus par boutade, mais toujours avec réflexion et après délibération communes, conformément à des idées mûrement arrêtées entre elles. Nous trouvons à cet égard, dans la Gazette de Saint-Pétersbourg, l’expression d’un vœu et aussi d’un regret qui méritent d’être relevés, parce qu’ils ne s’appliquent pas seulement aux rapports de la Russie avec la France. D’autres gouvernemens que ceux de Saint-Pétersbourg et de Paris pourraient peut-être en faire leur profit. Le journal russe se loue des bonnes dispositions du nouveau cabinet français. « M. Berthelot et M. Bourgeois font, dit-il, ce que faisait M. Hanotaux. Seulement (et c’est là le grand point), la politique de celui-ci se distinguait par une initiative bien personnelle, au lieu d’évoluer passivement dans l’orbite de la diplomatie russe. Cette dernière avait en lui plus qu’un auxiliaire, elle avait en outre un conseiller… L’activité diplomatique actuelle est à coup sûr inoffensive ; mais, en vue des graves événemens européens qui se préparent, il est à désirer que la France ait une politique forte, courageuse, et qu’elle affirme une politique féconde en résultats. » Nous citons sans commentaires, mais non pas sans approbation.

Le parlement italien est rentré en séance ces jours derniers. Tout a très bien commencé pour M. Crispi : il a répondu en quelques mots à tous ses adversaires réunis, et il a obtenu un vote de confiance à une énorme majorité. Malheureusement, les tristes nouvelles qui, presque aussitôt après, sont venues d’Afrique, ont quelque peu diminué l’éclat des victoires purement parlementaires que M. Crispi a l’habitude de remporter. M. Sonnino avait ouvert la session par un remarquable exposé de la situation financière. Il en a quelque peu exagéré