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demandaient des hommes, des armées, de l’argent. On les écoutait.

Or, au même moment, des dissentimens graves agitaient l’Europe. Les querelles qui divisaient les princes du nord de l’Italie pouvaient devenir les premières étincelles d’un grand incendie. Les ambassadeurs de Venise et du duc de Savoie assiégeaient, à leur tour, les ministres du roi et imploraient leur intervention.

C’est dans ces circonstances que l’évêque de Luçon prenait la place de Mangot, dont l’insuffisance notoire avait encore embrouillé une situation très compromise, tandis que Villeroy boudait dans son coin, après avoir emporté tout ce qui pouvait éclairer ses successeurs. sur les origines et sur les relations si complexes des affaires qu’ils avaient à traiter.

A peine ministre, le premier soin de Luçon fut d’entrer en contact avec les représentans du roi au dehors par une véritable « circulaire » dont il traça lui-même les grandes lignes dans les termes suivans : « Faut faire une dépêche à tous les ambassadeurs qui portera, qu’ayant plu au roi me mettre en la charge de secrétaire d’Etat, j’ai été extrêmement aise d’avoir les affaires étrangères pour avoir l’occasion de l’y servir ; qu’ils peuvent croire que j’embrasserai toutes les occurrences qui s’y présenteront ; que, de leur part, ils me feront plaisir de me les donner. Mais qu’ils se peuvent assurer que je n’aurai point besoin d’avis en celles que je verrai moi-même… » Après cette entrée en matière quelque peu assurée, il songe que les renseignemens lui manquent ; il demande aux agens du roi de lui adresser non seulement une relation complète de ce qui se passe dans le pays où ils résident, mais aussi de lui transmettre une « copie de l’instruction qui leur fut donnée lorsqu’ils partirent en ambassade… » S’il attend ce secours de leur obligeance, il leur promet en échange tout son appui auprès du roi.

Le ton un peu hautain de cette première communication paraît avoir déplu aux ambassadeurs qui, pour la plupart, étaient des personnages importans en un temps où l’évêque était encore sur les bancs du collège. Les diplomates, gens de nuances, sont susceptibles. Le vieux Léon, ambassadeur à Venise, homme méthodique et grave, attaché probablement à l’ancien ministre Villeroy, ne cacha pas à l’évêque sa façon de penser, et il saisit bientôt une occasion d’apprendre le métier à ce blanc-bec : « Vous me permettrez de vous dire que voilà deux ordinaires passés sans que j’aie reçu aucune réponse du roi en réponse aux miennes… Ce qui désoriente et met en peine les ministres qui servent au dehors… La coutume est décrire à chaque ministre une lettre au