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véritable faiblesse pour nous et un mois plus tard un embarras sérieux en face de l’insurrection de Paris. Elle aurait eu alors ses coudées plus franches contre nous, en prouvant aux yeux de l’Europe que nous étions combattus au dedans et contestés au dehors. Tout ceci a été évité par le sens politique élevé auquel le prince Gortchacow a obéi en cette circonstance et auquel s’est associé l’Empereur. »

Cependant l’armistice de trois semaines conclu entre le gouvernement de la Défense nationale et l’Allemagne victorieuse allait expirer, et M. Thiers, investi du pouvoir par la majorité de l’Assemblée nationale, dont l’Europe ratifiait le suffrage, allait reprendre, comme chef du gouvernement nouveau de la France, les négociations qu’il avait commencées comme envoyé du gouvernement de la Défense nationale, et qui avaient malheureusement échoué au mois de novembre. C’était le 21 que la Russie avait reconnu officiellement le gouvernement nouveau. Le 25, à 5 heures du matin, je recevais de M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères de M. Thiers, le télégramme chiffré suivant, qui était parti de Paris le 23 au soir, mais qui ne me parvint que le 25 par la voie d’Odessa, avec trente-six heures de retard. Il était ainsi conçu :

« Je vous transmets copie d’une lettre de M. Thiers au prince Gortchacow. Vous voudrez bien nous excuser près du chancelier de ne pas lui avoir adressé une lettre autographe, pour notifier la constitution du nouveau gouvernement, mais la difficulté et l’incertitude des communications sont telles que nous avons craint d’exposer notre dépêche même par un courrier.

« Je vous prie de présenter mes devoirs au prince Gortchacow et de lui dire que nous espérons en ses bons offices pour obtenir une prompte et honorable solution des difficultés terribles contre lesquelles nous luttons.

« JULES FAVRE. »


Voici la lettre de M. Thiers au prince chancelier :

« Prince,

« La cordialité que j’ai rencontrée auprès de vous, dans mon dernier séjour en Russie, me fait un devoir de vous annoncer moi-même le vote de l’Assemblée nationale qui m’a confié le pouvoir exécutif en France. Vous en êtes déjà informé, mais je veux que vous le sachiez par moi avec quelques explications. J’ai fait