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idées. On peut lui reprocher de s’être quelquefois laissé emporter par son ardeur dans le travail. Il en est résulté que certains passages de ses écrits ont une surabondance où des longueurs nuisent à l’effet des pensées fortes et originales dont ils sont remplis. Il en est résulté aussi que dans ses recherches scientifiques il a commis des erreurs ; mais, comme il avait la passion de la science et une absence absolue de vanité, il avouait et corrigeait ses erreurs, et en cela il a montré une élévation d’âme qui a contribué à l’auréole d’estime dont il était entouré. Il a eu par excellence les qualités et les défauts des méridionaux : une richesse d’esprit intarissable, une étonnante facilité à aborder tous les sujets et en même temps une nature qui ne se contenait pas suffisamment. On trouve dans ses ouvrages la marque d’un philosophe chrétien, avec une tendance au panthéisme provenant d’un vif sentiment des beautés de la nature, et une grande liberté de penser transmise par ses aïeux protestans.

Il avait épousé en premières noces sa cousine Valentine de Forbin la Barben, d’une des plus anciennes familles de Provence ; de cette union est né M. Louis de Saporta qui a été attaché au service d’honneur du Comte de Paris. En secondes noces, il a épousé Mlle de Gabrieli, fille d’un conseiller à Aix ; de cette seconde union est né M. Antoine de Saporta, auquel on doit de nombreuses publications scientifiques ; les lecteurs de la Revue des Deux Mondes ont lu de lui des articles intéressans.

Duruy, dont le large esprit appréciait toutes les grandes choses, envoya à Saporta la croix de la Légion d’honneur. En 1876, l’Académie des sciences le choisit comme un de ses correspondans. Il n’est point douteux que, s’il se fût décidé à venir habiter Paris, il eût été facilement nommé membre de l’Institut. Il n’a occupé aucune fonction publique. En 1885, il a été mis à Marseille sur la liste conservatrice pour la députation. La liste radicale passa, mais l’écart ne fut pas considérable. Quand on pense à l’importance des travaux scientifiques de Saporta, on ne peut pas regretter beaucoup qu’il ait échappé à l’honneur d’être député.

Outre ses habitations de Saint-Zacharie et de Fonscolombe, il avait à Aix un hôtel qui offre de l’intérêt, parce que la Révolution l’a respecté et qu’il a conservé ses anciens aménagemens ; un escalier monumental conduit à une galerie d’un grand caractère faite sous Louis xiv ; elle est suivie de salons décorés sous Louis xv. Les cadres des tentures et des glaces sont en bois sculpté à jour où la couleur se mêle à la dorure pour laisser aux fleurs leurs teintes naturelles. On y voit quelques peintures remarquables, notamment des portraits de famille par Van Loo et