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exclusif d’un agrandissement piémontais. L’armée battue à Custozza fut obligée de se replier sous Milan ; elle ne put s’y maintenir et dut en sortir après la capitulation de la ville (5 août).

Charles-Albert traverse ces alternatives d’espérance et de douleur avec une impassibilité de spectre, toujours à l’endroit le plus périlleux, n’ayant plus de vie que dans ses yeux ardens de fièvre et de courage. A la nouvelle de la capitulation, une multitude affolée se rue sur le palais Greppi, renverse les équipages royaux, poussant des cris de malédiction. Charles-Albert paraît sur le balcon, s’engage à se battre jusqu’au dernier sang et déchire la capitulation. Promesse impossible à tenir. La nuit venue, le colonel La Marmora se fait descendre du balcon et ramène un détachement de carabiniers et de tirailleurs. Sous leur protection, à minuit, le roi s’échappe au bruit de la fusillade et du tocsin, et conclut l’armistice dit de Salasco qui refoula le Piémont dans ses anciennes limites (9 août). Venise refuse d’adhérer à cette capitulation qui la livrait pieds et poings liés à l’Autriche, annule le décret de fusion et se remet en république (13 août). Mazzini conclut de ces faits l’impuissance absolue de la monarchie et des illusions dynastiques, aristocratiques et modérées. » Quiconque s’y livrerait encore n’aurait ni intelligence, ni cœur, ni amour véritable de l’Italie, ni aucune espérance d’avenir. »

A l’autre extrémité de la Péninsule la cause italienne périclitait de même. Le roi Charles-Albert avait refusé la couronne, offerte à son fils en dépit des conseils de Cavaignac, qui proposait le fils du grand-duc de Toscane. Cette couronne n’était déjà plus à prendre. Le roi de Naples, redevenu fort après le retour de ses troupes, était descendu en Sicile (1er septembre), avait bombardé et pris Messine et se préparait à conquérir le reste de l’île.

Maintenant le succès de la réaction européenne n’est plus qu’affaire de temps. Palmerston en homme pratique en a pris son parti. Il n’accorde de secours à aucune des nationalités aux abois qui l’implorent. Il feint à peine de négocier en faveur de la Lombardie. Aux Vénitiens il répond sèchement : « Il n’entre pas dans les propositions britanniques au gouvernement autrichien que Venise soit affranchie. Il serait donc sage à elle de s’entendre avec le gouvernement autrichien (16 octobre 1848). » Il ordonne à l’amiral Parker, dans les eaux de la Sicile, de ne pas contrarier les mouvemens du roi de Naples. Il fait savoir au gouvernement de Sicile qu’il n’y a ni négociations ni médiations possibles, s’il ne reconnaît pas Ferdinand de Bourbon comme roi.

Le Piémont vaincu, abandonné, en détresse, songe alors à cette France qu’il avait rebutée et soupçonnée. Il députe vers