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l’Etat enlèvent à la compagnie voisine le trafic dont l’itinéraire légal se trouve modifié. La compagnie évalue à 8 ou 9 millions les recettes qui lui ont été ainsi enlevées, et cette évaluation se trouve confirmée par ce fait que, sur les 16 millions d’augmentation constatés, pendant la période décennale, dans les recettes du réseau d’État, 7 millions et demi ont été réalisés de 1885 à 1887. Or c’est entre ces deux années, en juillet 1886, que la principale ligne de ce réseau, a été ouverte. Le léger écart entre le gain des chemins de fer de l’Etat, et la perte accusée par la compagnie, répond bien à la différence de prix dont ont bénéficié les marchandises et les voyageurs à qui on offrait un itinéraire plus économique.

En dehors de ces raisons spéciales, qui expliquent les différences de situation des réseaux, la faiblesse générale de la progression des recettes a tenu surtout à ce fait que, dans la période décennale qui vient de s’écouler, la richesse publique et le mouvement des affaires n’ont progressé que d’une manière insuffisante. Le trafic des marchandises s’en est principalement ressenti ; dans l’augmentation totale de 96 millions, les voyageurs et les bagages entrent pour 56 millions, les marchandises pour 40 millions seulement, dont les deux tiers proviennent de la grande vitesse.


Il est vrai que les quantités transportées ont augmenté dans une bien plus forte proportion que la recette, en sorte que le peu de progrès de celle-ci peut aussi être, dans une certaine mesure, attribué à la réduction des tarifs. Cette réduction est facile à constater pour les deux principales catégories de transports.

Pour les marchandises à la tonne, en petite vitesse, le nombre de tonnes transportées à un kilomètre a augmenté, sur les cinq réseaux, de 1 202 millions, ou de 14 p. 100, tandis que la recette n’augmentait que de 8 millions, ou de moins de 2 p. 100 ; le tarit moyen par tonne et par kilomètre, au contraire, descendait de 5c, 99 à 5c, 32, avec une réduction de 11 p. 100. Il est difficile de savoir si la réduction du prix moyen tient uniquement à l’abaissement des tarifs, ou si elle provient en partie d’une modification dans la composition du trafic. Il est évident, en effet, que si le mouvement des marchandises pondéreuses, qui supportent des taxes faibles, augmente plus que celui des produits soumis à des tarifs élevés, le prix moyen doit baisser, sans que ce fait indique un abaissement dans les tarifs. Mais, sans avoir une décomposition complète du trafic par catégories, nous voyons, dans les statistiques, que les combustibles minéraux, la plus importante des marchandises pondéreuses, qui représentaient 14 p. 100 du tonnage kilométrique des cinq réseaux en 1884, atteignent seulement 18 p. 100 en 1894. Cette modification aurait entraîné,