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Le nouveau régime douanier, en restreignant les échanges internationaux, n’a pu que diminuer le mouvement des transports. Quelque opinion que l’on ait sur la protection ou le libre-échange, on doit reconnaître qu’un système qui tend à faire produire, autant que possible, par chaque peuple tout ce dont il a besoin, doit donner lieu à moins de transports qu’un système qui laisse chacun spécialiser ses productions, d’après ses aptitudes spéciales, et se procurer ensuite, par voie d’échange, les objets qui lui sont nécessaires. Les compagnies de l’Est, de Lyon et du Midi, qui desservent des frontières de terre, évaluent à 10 ou 12 millions les diminutions amenées dans les recettes des transports internationaux, par le changement du régime douanier.

On pourrait citer également, comme un fait économique ayant porté une sérieuse atteinte aux recettes des chemins de fer, le déplacement de l’industrie métallurgique du centre de la France. Les hauts fourneaux établis dans le bassin houiller de la Loire s’alimentaient en minerais très purs, amenés à grands frais de points éloignés, par voie ferrée. Les progrès de l’industrie ont permis de tirer la fonte et l’acier des minerais sulfureux et phosphoreux de Meurthe-et-Moselle, et la grande métallurgie s’est transportée sur ces minerais, à proximité des houilles belges et allemandes. La moindre longueur des transports des matières premières, et la concurrence des voies navigables, font que la compagnie de l’Est est loin d’avoir regagné, de ce chef, tout ce qu’ont perdu les réseaux du centre.

Le développement de la navigation intérieure est une des plus importantes, parmi les causes qui entravent la progression des recettes des réseaux garantis. Les cinq compagnies ont fait une estimation des pertes subies par elles de ce chef, et les évaluent entre douze et quinze millions de recette annuelle. Nous n’insisterons pas sur ce point pour le moment, nous réservant d’y revenir avec les développemens qu’il comporte dans nos conclusions générales.

En regard des causes qui ont entravé le développement des recettes, dans ces dernières années, nous devons signaler, comme ayant favorisé leur accroissement, l’extension rapide des réseaux. Si les 5 500 kilomètres de lignes neuves ouvertes de 1884 à 1894 n’ont pas contribué à l’augmentation des recettes nettes, leurs produits propres entrent pour 30 millions dans l’accroissement des recettes brutes. Mais, même à ce dernier point de vue, l’extension du réseau n’est pas un avantage sans compensation. Si les lignes neuves, allant chercher un trafic nouveau dans des localités qui n’étaient pas desservies, servent d’affluens aux lignes anciennes, en revanche elles constituent souvent, pour le