Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trafic préexistant, des raccourcis d’où résultent des diminutions sensibles de recettes. Avec les barèmes kilométriques, qui s’appliquent aujourd’hui à la majeure partie du trafic, les prix se calculent, dans chaque réseau, par la plus courte distance. Toute ligne nouvelle donne, pour certains parcours, des réductions qui abaissent les taxes de bout en bout, sans que, le plus souvent, il en résulte de réduction dans le prix de revient des transports, car les compagnies trouvent économie à continuer de faire passer le trafic par les lignes anciennes, dont le profil est généralement meilleur. C’est ainsi, par exemple, que la distance légale de Paris à Marseille, qui était de 864 kilomètres, a été réduite, en 1882, à 844 kilomètres par l’ouverture de la ligne d’Avallon à Dracy-Saint-Loup, et en 1895, à 829 kilomètres, par l’ouverture de la ligne d’Orange à l’Isle-sur-Sorgue ; il en est résulté une diminution de taxe pour un grand nombre de transports, dont l’itinéraire effectif n’a d’ailleurs pas été modifié. De même, la nouvelle ligue de Limoges à Montauban a réduit de 750 à 712 kilomètres la distance de Paris à Toulouse.


De l’étude que nous venons de faire du passé, il est bien difficile de tirer des pronostics pour l’avenir ; on peut, cependant, y trouver quelques motifs d’espérer que cet avenir sera meilleur que la période décennale qui vient de s’écouler. Sans considérer comme une loi absolue la progression constante des recettes, on peut admettre que la crise par laquelle a débuté cette période a présenté une intensité absolument anormale. Le fléau qui avait dévasté la moitié de la France est à peu près conjuré, et la reconstitution de nos vignobles paraît ramener l’ancienne prospérité dans les régions méridionales. Ce sont ces régions qui ont le plus contribué aux 22 millions de plus-values constatées sur les cinq réseaux en 1894, aux plus-values à peu près égales de 1895. Il semble que les relations commerciales avec l’étranger doivent aussi s’améliorer, plutôt que subir de nouvelles restrictions. Les grandes réformes des tarifs sont également terminées. La navigation, il est vrai, continuera sans doute à progresser, car la batellerie commence seulement à être organisée de manière à profiter des améliorations réalisées, à grands frais, par l’Etat sur les voies anciennes ; mais du moins semble-t-il peu probable qu’on crée de nouvelles voies de concurrence. Il semble donc que, malgré le ralentissement qui se produit dans le développement du réseau, on peut, sans être taxé d’optimisme, prévoir, pour les prochaines années, une progression des recettes brutes, supérieure plutôt qu’inférieure à celle de la période écoulée depuis les conventions.