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Et ton féroce orgueil scelle ta dureté.
Sois maudite, car j’ai, en m’en allant, jeté
Contre le noir battant de ta porte d’airain
L’aumône sans pitié de ton morceau de pain !


POUR LA PORTE NUPTIALE


Voici l’aube. Prends le flambeau de cire peinte
Qui brûla dans la nuit sur notre double étreinte,
Car nous sommes venus hier dans la maison
En cortège et d’après le rite ; et le tison
A mis le feu à l’âtre et la flamme au flambeau ;
Et le double Avenir, qu’il soit sinistre ou beau,
N’a plus pour nous qu’un sort et qu’une destinée,
Que la ronce serpente où la rose était née !
Que pousse la ciguë où fleurissait la rose !
L’aube grise a glissé par la porte entreclose.
O lève-toi, déjà l’aurore est blanche et pale,
Mets ta robe de route et ta bague d’opale ;
Prends ce flambeau ; sortons et, s’il ne fait pas jour
Encor, marchons en nous tenant par la main, pour
Que, si ton pas hésite, un autre le soutienne.
Tournons trois fois autour de la vieille fontaine
Où cette Nymphe dort dans l’onde, toute nue ;
Et maintenant, puisque la clarté est venue,
Plonge dans l’eau la cire inutile, il fait clair.
Allons vers la forêt ou allons vers la mer ;
La porte de la ville ouvre sur le jour pur ;
Et, sous son noir portail pavé de marbre dur,
Qu’on entende chanter à l’écho qui l’oublie
Le pas léger de ceux qui partent vers la Vie.


POUR LA PORTE MORTUAIRE


Si tu meurs jeune avec l’aurore à ton chevet
Rose, et grise, et pareille à ce que tu rêvais
D’un destin nuancé de tristesse ou de joie,
Sois heureux ! L’enfant blond et le vieillard qui ploie
Te suivront, pas à pas et la main dans la main,
Quand tu viendras dormir par l’éternel chemin