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de résoudre la question… Cette proposition a été déclinée par le gouvernement de Sa Majesté Britannique… La ligne de conduite que mon gouvernement doit suivre en présence de ces faits ne me semble souffrir aucun doute… A supposer que l’attitude du Venezuela ne se modifie pas, il incombe aux Etats-Unis de prendre des mesures pour déterminer avec une certitude suffisante pour notre justification quelle est la vraie ligne frontière entre la République de Venezuela et la Guyane anglaise… Je propose donc que le Congrès vote un crédit suffisant pour les frais d’une commission nommée par le pouvoir exécutif, qui fera les investigations nécessaires et présentera son rapport sur le sujet dans le plus bref délai possible. Quand ce rapport aura été présenté et accepté, il sera, à mon avis, du devoir des Etats-Unis de résister par tous les moyens en leur pouvoir, comme à une agression contre leurs droits et leurs intérêts, à toute appropriation par la Grande-Bretagne de territoires, ou à l’exercice de toute juridiction gouvernementale sur des territoires que nous aurons décidé, après examen, appartenir légitimement au Venezuela. En faisant ces recommandations, j’ai pleinement conscience de l’étendue de la responsabilité encourue et je comprends nettement les conséquences qui peuvent s’ensuivre. J’ai, néanmoins, la ferme conviction que, si c’est une chose douloureuse de contempler les deux grandes nations de langue anglaise du monde engagées dans une compétition autre que la concurrence amicale dans la marche en avant de la civilisation et qu’une vigoureuse et noble rivalité dans tous les arts de la paix, il n’est point de calamité qu’une grande nation puisse attirer sur sa tête égale à celle qui suit une lâche soumission à l’injustice et la perte subséquente de ce respect de soi-même et de cet honneur national derrière lesquels s’abritent et se défendent la sécurité et la grandeur d’un peuple. »

Tel était le langage qui, comme un sonore coup de clairon, vint réveiller tout à coup des passions endormies et déchaîner, d’un bout à l’autre du continent américain, une tempête d’indignation contre l’Angleterre. Au premier moment, on put croire qu’il n’y avait pas un dissident parmi les 70 millions d’Américains. Dans le Congrès, les lignes de division des partis’ semblèrent s’effacer. Le Sénat, — ce corps dont les traditions ont quelque chose de l’immuable gravité des hidalgos espagnols et que son petit nombre met à l’abri des entraînemens des foules, — dérogea a ses habitudes de décorum au point de saluer de ses applaudissemens répétés la lecture de ce message. A la Chambre des représentais, la situation était singulièrement compliquée, pour ne pas dire embrouillée ; le parti républicain y était en possession d’une majorité immense. Si l’on eût dit d’avance que ce Congrès