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réponds point à la façon dont vous me témoignez qu’il les a eues, l’intégrité de ses dernières actions m’obligeant de perdre la mémoire des premières qu’il a beaucoup de fois condamnées lui-même… Les témoignages que vous me rendez par votre lettre de désirer chercher votre repos dans l’innocence de vos actions me réjouiraient grandement si les effets ne sembloient contrevenir à vos paroles ; ne pouvant concevoir que l’innocence puisse compatir avec les intelligences et pratiques qui sont, tous les jours, entre vous et ceux qui veulent troubler le repos de mon État. »

Les princes répondirent à leur tour par un manifeste extrêmement violent, où ils prenaient à partie la reine mère, le maréchal d’Ancre, les ministres nouveaux. Ils reprochaient notamment le renvoi des anciens ministres : « Voyant la faveur prodigieuse de cet étranger donner les gouvernemens de vos places, destituer les anciens et principaux officiers de votre conseil, et de vos parlement, leur ravir des mains les titres d’honneur que leur âge, leur vertu, et leur mérite leur avoient acquis pour mettre en leur place ses créatures, personnes indignes, inexpérimentées à la conduite d’un État et gens nés à la servitude… »

Ce fut encore Richelieu qui réplique. Dès le 14 février 1617, il « taille ses plumes » : ce sont ses propres expressions. En trois jours, il a rédigé un manifeste de portée véritablement gouvernementale et qui fut répandu dans le public à un nombre considérable d’exemplaires, sous le titre de : « Déclaration du roi sur le sujet des nouveaux remuement de son royaume. » Cette pièce passa auprès des connaisseurs pour « délicate et bien faite ». C’est, en effet, un des morceaux les plus soignés émanés de la plume de Richelieu. La composition est solide, la dialectique vigoureuse, la phrase souvent éloquente :

… « Afin d’attirer les peuples, qui ne respirent autre chose que le repos, les princes publient artificieusement qu’ils désirent la paix et que Sa Majesté veut la guerre… Est-ce désirer la paix que de s’assurer, comme ils font, de tous les côtés, des gens de guerre ; que de faire publiquement des levées de soldats de leur autorité ; que de fortifier les places dont Sa Majesté leur a donné la garde et le gouvernement ; que d’entreprendre sur ses villes, d’arrêter et saisir ses deniers, de mendier protection de toutes parts, de vouloir introduire des armées étrangères dans ce royaume ; enfin que de s’approcher avec forces de Sa Majesté et non seulement de commettre tous actes d’hostilité, mais permettre les voleries ? Des sujets désirent-ils la paix lorsqu’ils la demandent à main armée ? Les rois la procurent quelquefois ainsi, mais non pas les sujets… Quant à Sa Majesté, qui peut dire qu’elle désire la guerre après avoir vu qu’en peu de temps