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voulons rien dire de trop. Les groupemens qui se sont formés depuis cette époque en Europe tiennent à des causes très diverses, voire très anciennes, mais précisément parce que ces causes étaient anciennes et qu’elles n’ont produit tout leur effet qu’à une date récente, il y a lieu de se demander si l’attitude du Saint-Père n’a pas contribué à en déterminer certaines autres. En se rapprochant de nous, n’a-t-il pas indiqué la voie à ceux qui y sont entrés après lui ? Ce sont là des questions que nous nous contentons de poser : on pourra les trouver importunes, mais elles ne sont pas oiseuses. Si on juge du mérite d’un ambassadeur par les bons rapports qu’il a su établir entre son gouvernement et celui auprès duquel il est accrédité, M. Lefebvre de Béhaine a été un bon agent. Quelque spontanées qu’aient pu être, à beaucoup d’égards, les résolutions du Saint-Père, notre ambassadeur n’y a pas nui. Il a rempli sa tâche avec succès, et on comprend qu’après l’avoir menée presque à son terme, il ait paru particulièrement à même de bien finir ce qu’il avait bien commencé. Le ministère radical est-il d’un autre avis ? Faut-il regarder le rappel de M. Lefebvre de Béhaine comme un fait définitivement accompli ? Alors, qu’on nous en dise la cause. Quand même il y aurait eu dans ces derniers temps, entre le Vatican et le quai d’Orsay, de ces petites difficultés qui sont, en quelque sorte, le pain quotidien de la diplomatie, et pour la solution desquelles elle est spécialement faite, serait-ce une raison pour oublier tout le passé, et ne plus tenir aucun compte des services rendus par M. Lefebvre de Béhaine et de la politique de sympathie suivie à notre égard par le pape ? Un nuage passager, s’il y en a eu, et nous l’ignorons, doit-il obscurcir tout un vaste horizon ? On a dit que, dans une conversation récente, le pape aurait chargé notre ambassadeur d’attirer l’attention du gouvernement sur certains points du projet de loi relatif aux associations. Les journaux radicaux, mis complaisamment au fait des inquiétudes du Saint-Père, ont aussitôt jeté feux et flammes. De quel droit, disent-ils, le pape se mêle-t-il de nos affaires intérieures ? Un projet sur les associations ne le regarde pas, et notre ambassadeur aurait dû le lui déclarer sur le ton le plus propre a le lui faire sentir, probablement sur celui qu’ils emploient eux-mêmes. On avouera pourtant que lorsque le ministère, dans la fameuse Déclaration qu’il a lue aux Chambres en arrivant aux affaires, a annoncé le dépôt d’un projet de loi sur les associations, en ajoutant qu’il servirait à régler plus tard les rapports des Églises et de l’État, il est naturel que l’Église catholique se préoccupe de ce que sera ce projet. Quel devoir de discrétion ou de convenance empêcherait-il le pape de s’en expliquer avec notre ambassadeur ? Sans doute, le gouvernement français reste libre de ses déterminations ultérieures ; il tiendra le compte qu’il voudra des observations qui lui auront été faites ; mais encore est-il bon qu’il les entende, et qu’elles lui soient présentées en temps