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italien : le gouvernement provisoire de la seconde république offrait au roi de Sardaigne de l’assister dans la lutte désespérée qu’il avait engagée contre l’Autriche, lui demandant en échange la cession de la Savoie et de Nice[1]. Charles-Albert voulut fare da sè, résolution généreuse mais téméraire, qui, après une première défaite à Custozza, devait le mener à briser le cours de son règne dans le désastre suprême de Novare ; — résolution providentielle néanmoins, car s’il eût accepté l’offre de secours du gouvernement provisoire, c’en était peut-être fait à jamais de l’Italie ; de l’Italie, et de la France aussi, peut-être. La révolution de Paris renversait en effet les assises d’un droit public européen imposé par la coalition de toutes les puissances, qui toutes se montraient passionnément intéressées à son maintien depuis un tiers de siècle. Une attitude pacifique de la France républicaine pouvait seule les porter à ne pas intervenir dans ses affaires intérieures ; le moindre cri de guerre qu’elle eût poussé les aurait fait se ruer sur elle comme au retour de l’île d’Elbe. En 1848, — malgré les secousses politiques de Vienne et de Berlin, assez promptement réprimées d’ailleurs, — l’Europe monarchique vivait encore dans la terreur du souvenir des guerres de la Révolution et de l’Empire. Pour que de nouveaux champs de bataille pussent s’offrir à l’armée française sans provoquer une action combinée de toutes les armées européennes, il fallait que le nouvel état de choses sorti du pavé de Paris eût eu le temps de faire ses preuves de sagesse et de modération. La répression de l’insurrection de Juin, l’expédition de Rome décrétée sous le gouvernement temporaire du général Cavaignac, purent être considérées comme des gages satisfaisans donnés aux cabinets réactionnaires ; mais le plébiscite qui élevait à la présidence de la République l’héritier du vaincu de Waterloo ne pouvait que leur inspirer des craintes d’idées de revanche et de bouleversement. Il fallut le coup d’Etat de Décembre pour arracher un satisfecit à l’empereur Nicolas. Et encore cet acte si grave et si diversement apprécié n’eut-il aucune influence sur l’esprit rancunier du gouvernement et du peuple britanniques : pour en avoir manifesté personnellement son approbation, lord Palmerston, alors chef du Foreign Office, se vit destitué le 22 décembre par une décision du Conseil des ministres lui donnant pour successeur lord Granville[2]. Le public fit

  1. Voir les instructions de M. Bastide à M. de Bois-le-Comte, en date du 19 juillet 1848. Voir aussi la déclaration de M. de Lamartine au comité des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Voir enfin la dépêche adressée de Turin le 4 août 1848 à M. Brignole-Sale, envoyé sarde à Paris.
  2. Lire sa correspondance diplomatique et privée avec lord Normanby, ambassadeur à Paris, avec lord John Russell, premier ministre, et d’autres personnages officiels du temps, ainsi que la discussion qui eut lieu au Parlement dans la séance du 3 février 1852. Lord Palmerston, sa Correspondance intime, etc., par Augustus Craven, tome II, p. 289 à 314.