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VI. — CONNEXITÉ DES DKUX QUESTIONS DÉMONTRÉE PAR LA POLÉMIQUE DE M. DE CAVOUR ET M. RATTAZZI

M. Rattazzi ne pouvait se consoler d’avoir dû quitter le pouvoir au moment où Napoléon III, renonçant définitivement à ses anciens projets de confédération, adhérait à l’idée de l’annexion de l’Italie centrale. Pour arriver à la solution pratique de cette évolution, l’empereur avait dû se séparer du comte Walewski ; il lui donnait pour successeur M. Thouvenel, tandis que Victor-Emmanuel, de son côté, renonçant aux services du ministère La Marmora-Rattazzi, rappelait M. de Cavour. Dans son désappointement, le ministre congédié s’appliquait à mettre « des bâtons dans les roues » au cabinet qui succédait à celui dont il avait fait partie. La question de Nice étant devenue le point vital des combinaisons que ce cabinet avait à réaliser, c’est de ce côté qu’il porte l’effort de son opposition. Le traité de cession ayant cependant reçu son application définitive par la sanction parlementaire, le vote des populations et la prise de possession par la France, M. Rattazzi ne sut pas résister au désir de transporter le débat dans la presse. Le 5 février 1861, la Monarchia nazionale, qui était son organe personnel, publiait un article intitulé : Il Nazionale ed il conte di Cavour. Cet article, après avoir fait allusion à un accord tendant à conserver Nice à l’Italie, accord qui aurait existé au commencement de 1860 entre M. Rattazzi, alors ministre dans le cabinet La Marmora, et M. de Cavour retiré à Leri, reprochait à ce dernier d’avoir sacrifié Nice pour satisfaire son ambition de revenir au pouvoir : « Si, après Villafranca, Rattazzi avait trouvé dans le comte de Cavour la même aide que, de son côté, il lui avait donnée, peut-être l’Emilie et la Toscane auraient-elles pu se réunir aux anciennes provinces sans offense pour le principe de nationalité, sans abandon précipité et absolu de tous les boulevards qui nous gardent sur nos derrières et sur nos lianes… »

Cette quasi-accusation de haute trahison, lancée contre M. de Cavour, est rendue parfaitement intelligible par une note trouvée dans les papiers de M. Rattazzi et que M. Chiala publie dans son très intéressant recueil des lettres de M. de Cavour[1]. La

  1. Lettere edite ed inedite di Camillo Cavour, tome IV, p. 254 et suiv.