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note explique comme quoi M. Rattazzi se serait trouvé, au point de vue de la défense des intérêts italiens, dans une situation beaucoup plus favorable que celle de M. de Cavour. Il n’était pas, comme celui-ci, lié avec le gouvernement français par tous les échanges de vues qui avaient précédé la guerre de 1859. Il avait, pour traiter avec le cabinet de Paris, une plus grande indépendance. Il pouvait opposer au désir de l’empereur de posséder Nice l’impossibilité de la lui céder sans provoquer en Italie un violent mouvement d’opinion susceptible de détruire tout le bienfait de l’alliance qu’il était si désirable de perpétuer entre les deux pays. Une longue conversation aurait eu lieu sur ce sujet entre les deux hommes d’État, et M. de Cavour aurait si bien compris la nécessité d’adopter cet ordre de vues qu’il s’était décidé à accepter la mission d’aller l’appuyer à Paris. Mais, ajoute l’auteur de la note, « il ne pouvait échapper à Cavour que si le ministère réussissait dans son projet, il se consolidait. » Or, M. de Cavour était las de sa retraite. « Pris d’une sorte de fièvre du pouvoir, il agita et lit agiter le pays contre le ministère. Un malin il se rendit chez M. Rattazzi et lui déclara qu’il ne voulait plus donner son appui au ministère. » Ainsi, d’après M. Rattazzi. le cabinet dut se retirer sans avoir pu tenter une négociation qui « aurait eu beaucoup de probabilités de succès si elle avait été soutenue par les principaux hommes politiques, par l’opinion publique et par l’Angleterre, laquelle aurait infailliblement pris parti pour l’Italie. » La conclusion allait de soi : M. Rattazzi, appuyé par M. de Cavour, pouvait amener le gouvernement français à se contenter de la Savoie et conserver Nice à l’Italie. M. de Cavour, par « son impatience et son désir du pouvoir », a fait perdre Nice à l’Italie en même temps que la Savoie. Et en effet, ajoute M. Rattazzi, « un mois après son retour aux affaires, il signait le traité faisant définitive l’abandon de ces deux provinces à la France. »

La réponse de M. de Cavour aux insinuations de l’article de la Monarchia nazionale ne se fit pas attendre. Le même jour, 5 février, l’Opinione publiait, sous le titre de Politica retrospettiva, un article qui, sans nier précisément la tentative d’accord faite auprès de M. Cavour, affirmait l’impuissance de M. Rattazzi à réaliser le plan qu’il avait conçu. La thèse développée par l’Opinione était celle-ci : l’annexion de la Toscane était devenue le point vital de la question italienne ; elle devait engendrer fatalement l’unification de la péninsule ; mais cette annexion rencontrait de graves obstacles de la part des cabinets étrangers ; et, d’autre part, la France, devant la perspective d’un aussi vaste agrandissement de la puissance piémontaise, demandait Nice en compensation ;