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de la mer semblent s’empreindre sur les êtres qui vivent au milieu de ses ondes, dans la souplesse, la rapidité et la vivacité de leurs allures.

Les reptiles se sont multipliés à la fin des temps primaires ; mais plusieurs d’entre eux n’étaient pas bien achevés ; les os de leurs membres avaient à leurs extrémités d’épais cartilages, leurs vertèbres étaient en plusieurs morceaux qui n’étaient pas encore soudés. De tels animaux ne devaient pas sans doute avoir une grande énergie musculaire. Il est curieux de noter que la plupart ont eu des pattes à cinq doigts avec des phalanges, au moyen desquelles ils s’accrochaient. Quand un enfant fait ses premiers pas, il se retient à tout ce qu’il rencontre afin d’assurer sa marche chancelante. Ainsi les quadrupèdes primaires ont soutenu leur corps mal affermi en s’accrochant avec leurs pattes. Lorsque j’ai décrit le premier Actinodon trouvé dans le Permien d’Autun, j’ai été frappé de la forme de ses phalanges unguéales, et j’ai dit : l’Actinodon a pu se servir de ses membres, non seulement pour nager, mais aussi pour s’accrocher.

Une des particularités les plus remarquables du monde secondaire a été de montrer, à côté de ces reptiles à marche vacillante, des reptiles qui ne rampaient point et se tenaient fermes sur leurs jambes de derrière. On a l’habitude de les appeler dinosauriens ; mais dès 1832, Hermann de Meyer leur avait donné le nom significatif de pachypodes, et les avait définis sauriens avec des membres comme ceux des lourds mammifères terrestres. Ils ont laissé les empreintes de leurs pas dans plusieurs gisemens, notamment dans le Trias du Connecticut, de l’Allemagne et de la France. Les travaux nombreux qui ont été faits sur les dinosauriens prouvent que plusieurs d’entre eux avaient les allures des oiseaux coureurs. Quand les savans américains nous apprennent que le Brontozoum du Trias du Connecticut a laissé des empreintes de pas de 0m, 43 de longueur, et que l’on mesure 1m, 35 entre deux empreintes, ou bien quand nous regardons les membres de l’Iguanodon, nous sommes effrayés à la pensée des enjambées que pouvaient faire ces animaux, et nous nous félicitons d’être nés dans une époque où nous ne risquons plus d’être poursuivis par de semblables coureurs.

Au sein des océans secondaires, il y avait une agitation extraordinaire ; à la suite des bandes de poissons, d’ammonites variées et de bélemnites, on voyait des Ichthyosaurus, des Plesiosaurus, des Teleosaurus, des Pythonomorphes. Ce devait être un étrange spectacle que celui de ces grands reptiles poursuivant les poissons et les invertébrés qui s’enfuyaient ; la découverte d’un