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pouce est très court et n’est guère plus épais que les autres doigts. Chez l’homme, le premier cunéiforme a une facette plate en rapport avec un métatarsien peu mobile, mais très fort, au lieu que chez le singe le premier cunéiforme a une facette arrondie sur laquelle tourne un pouce opposable aux autres doigts ; le nom de quadrumanes, justement donné aux singes, ne saurait s’appliquer à l’homme. Le singe est fait pour grimper, non pour rester debout. Comme on l’a dit depuis longtemps, l’homme est le seul être qui, dans sa marche ordinaire, regarde droit devant et au-dessus de lui.

Ainsi, à notre époque, on voit les cétacés qui nagent le mieux, les oiseaux qui volent le mieux, les chevaux qui courent le mieux, l’homme qui marche le mieux. Les fonctions de locomotion ont progressé depuis les anciens temps jusqu’à nos jours. Nous pourrions montrer qu’il en a été de même pour celles de préhension. Les facultés d’activité, vaguement esquissées au début, sont aujourd’hui dans toute leur magnificence. Quand nous contemplons les progrès dont notre siècle a été le témoin, nous nous demandons où pourra parvenir l’activité humaine.


VI

Progrès de la sensibilité. — Les philosophes partagent les faits de sensibilité en deux ordres : les sensations, c’est-à-dire les impressions produites par des êtres ou des choses en dehors de nous ; les sentimens affectifs, qui nous portent pour ou contre les êtres et les choses faisant des impressions sur notre corps ou notre âme.

Les manifestations de la nature qui donnent lieu aux sensations de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût et du toucher semblent être devenues de plus en plus intenses, à mesure que les temps géologiques se déroulaient, et sans doute les sensations ont progressé en même temps.

Histoire de la vue. — La forme et la couleur n’ont pas une valeur purement subjective ; elles ont existé avant qu’il y eût des êtres pour les percevoir. Nous n’avons pas de raisons de douter que, pendant l’ère azoïque, le ciel et les eaux aient offert des spectacles magnifiques et qu’il y ait eu des minéraux de toute forme et de toute couleur.

Dans le monde animé, la forme et la couleur paraissent n’avoir acquis leur diversité qu’à une époque relativement peu ancienne. Lors des temps houillers, la vie était déjà loin de ses débuts ; elle avait accompli beaucoup plus de moitié de sa course dans